Jusqu’aux années 1970, l’océan était considéré comme un “monde du silence”, tel qu’ont tenté de le décrire Jacques-Yves Cousteau et Louis Malle. Cependant, des enregistrements sonores réalisés par la marine américaine ont bouleversé cette conception en révélant la richesse acoustique du milieu marin. Si toutes les baleines ne produisent pas de chants, une majorité d’entre elles utilisent des sons pour communiquer, naviguer et interagir en profondeur dans les eaux.
Les véritables chanteuses des océans : qui sont-elles ?
Les cétacés regroupent plus de 80 espèces réparties en deux familles principales : les Mysticètes, ou baleines à fanons, et les Odontocètes, ou baleines à dents. Parmi elles, seules celles de la famille des Mysticètes sont reconnues pour leurs chants mystérieux qui parcourent les mers.
Baleines à dents : communication par écholocation
Les Odontocètes, facilement reconnaissables à leurs dents uniformes à racine unique, sont des maîtres de l’écholocalisation. Leur système sophistiqué leur permet de localiser précisément leurs proies et de repérer les dangers environnants, assurant ainsi leur alimentation et leur sécurité. Plus petites que leurs cousines à fanons, elles regroupent des espèces comme les dauphins, les marsouins, ainsi que des bélugas, des cachalots, des orques, des narvals ou encore des globicéphales. Leur langage complexe, constitué d’ultrasons inaudibles pour l’homme et de sifflements, leur sert à reconnaître chaque individu de leur groupe. Malgré de nombreuses recherches sur le sujet, la compréhension totale de la subtilité de leur communication demeure encore un défi. Leur mode de transmission repose sur des signaux rapides, de haute fréquence, qui leur permettent d’identifier la position des autres cétacés ou des obstacles en utilisant l’écho renvoyé. Bien qu’ils communiquent efficacement, ces mammifères marins ne chantent pas comme les Mysticètes.
Les Mysticètes et leur chant énigmatique
Les baleines à fanons, plus imposantes que leurs homologues à dents et parmi les plus grands animaux du globe, possèdent deux évents. Leur taille peut atteindre jusqu’à 33 mètres pour la baleine bleue, contre environ 5 mètres pour la baleine pygmée. Leurs fanons, fines lamelles de kératine, filtrent les particules de nourriture comme le krill ou les petits poissons. Parmi cette famille, on trouve notamment la baleine bleue, la baleine à bosse, la baleine grise ou encore la baleine franche. Les espèces telles que la baleine à bosse ou la baleine bleue sont célèbres pour leurs chants d’une complexité remarquable, qui résonnent à travers les océans.
Comment ces grands cétacés produisent-ils leurs vocalisations ?
Les chants des Mysticètes sont constitués de motifs répétitifs, de phrases et de silences, pouvant se propager sur plusieurs milliers de kilomètres lorsqu’ils sont émis en basses fréquences. Certains sons peuvent atteindre jusqu’à 190 décibels. Contrairement aux humains, ces mammifères marins ne possèdent pas de lèvres vocales classiques, mais leur dispositif de production sonore semblerait impliquer leur larynx. Leur respiration, contrôlée via le système trachéal, leur permet d’émettre ces sons : une poche d’air, retenue par des cartilages, vibre pour générer le chant. Ces structures vibrantes, associées à l’anatomie des sinus crâniens, modulent la tonalité et la profondeur des séquences acoustiques.
À l’oreille humaine, ces vocalisations produisent des mélodies vibrantes, qualifiées de chants en raison de leur nature rythmée et répétitive, souvent ponctués de pauses. La capacité des baleines à exécuter ces longues séquences est considérée comme une forme de “musique animal”. Le chant constitue une forme de communication essentielle, notamment chez celles qui ne pratiquent pas l’écholocalisation, comme la baleine à fanon. La structure de ces chants évolue au fil du temps, étant différente selon les populations géographiques. Des études récentes montrent que ces vocalisations se diffusent entre différentes colonies, comme celles de la côte ouest de l’Australie, où le chant s’est substitué à celui de la côte est jusqu’à atteindre ceux de la Polynésie française, à plus de 6 000 kilomètres.
Que savons-nous réellement de la fonction de ces chants ?
Durant longtemps, l’interprétation dominante était que ces vocalisations servaient principalement à attirer les femelles lors de la saison de reproduction. Toutefois, des recherches récentes remettent cette idée en question. Bien que ces chants soient souvent enregistrés dans des zones de reproduction, ils semblent davantage destinés à l’interaction entre mâles. Certaines hypothèses avancent qu’ils pourraient signaler leur présence ou aider à réguler la compétition entre eux, plutôt qu’à séduire les femelles.
Voici quelques autres hypothèses sur la vocation des chants :
- Ils contribueraient à l’écholocalisation, comme chez les Odontocètes.
- Ils serviraient à délimiter des territoires durant la saison de reproduction.
- Ils pourraient indiquer l’état de santé ou la vigueur des individus.
- Ils avertiraient la présence de prédateurs potentiels.
Certains scientifiques observent aussi que les femelles qui entendent ces chants semblent chercher à s’éloigner des zones où ils sont émis, soutenant l’idée que ces vocalisations facilitent la dominance ou la compétition entre mâles. Pourtant, selon Olivier Adam, spécialiste en acoustique des cétacés, il demeure difficile de décrypter précisément ce que chaque chant ou vocalisation signifie réellement.
Découvrir les mystères des cétacés à travers un film
Le documentaire “Les Gardiennes de la planète”, réalisé par Jean-Albert Lièvre et narré par Jean Dujardin, sorti en salle le 22 février 2023, offre une immersion immersive dans le monde fascinant des cétacés. La bande-annonce met en avant ces formes de communication exceptionnelles, qui se sont développées au fil des millénaires. Alors que certaines populations de baleines à bosse semblent retrouver une stabilité, la pollution plastique et sonore menace leur survie. La pollution sonore, en particulier, perturbe leur chant, réduisant la diversité et l’harmonie des séquences sonores, qu’on retrouve chez la baleine à bosse et la baleine boréale, et favorise leur contact avec les rivages, menant parfois à leur mort.