Chat marsupial du Nord : un cycle de vie exceptionnel avec une seule reproduction

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Crédit photo : Wildlife Explorer

Le marsupial carnivore que l’on trouve principalement dans le Nord de l’Australie porte le nom scientifique Dasyurus hallucatus. C’est le plus petit parmi les cinq types de chats marsupiaux qu’on peut recenser sur ce continent, où il est endémique. Son habitat se situe dans la moitié septentrionale de l’île, allant de la région de Pilbara jusqu’au Sud-Est du Queensland. Il privilégie des zones rocheuses et des forêts d’eucalyptus pour vivre. Un trait inhabituel de cette espèce est sa reproduction unique : elle n’a lieu qu’une fois dans sa vie. Nous vous invitons à découvrir ce mammifère pour mieux comprendre comment cette stratégie peut assurer la survie de l’espèce.

Présentation du chat marsupial du Nord

Au premier regard, sa ressemblance avec un chat domestique est peu évidente. Il évoque plutôt un rongeur, avec sa petite tête pointue, son corps arrondi et sa longue queue. Ce n’est pas la forme qui lui a valu son nom commun, mais plutôt ses caractéristiques anatomiques précises. Cependant, il faut souligner que ce mammifère appartient à la famille des marsupiaux, ce qui le distingue clairement des vrais félins. En tant que prédateur rapide et vif, il se nourrit de divers petits vertébrés tels que des petits mammifères, des oiseaux, des reptiles comme les serpents et les lézards, mais aussi de charognes ou de fruits qu’il trouve le long des routes ou dans les décharges. Les femelles sont généralement plus légères que les mâles, oscillant entre 350 et 690 grammes, alors que ces derniers peuvent dépasser le kilogramme. La taille de leur corps varie aussi : chez le mâle, la longueur du corps peut atteindre 37 cm, tandis que chez la femelle, elle se limite à une trentaine de centimètres. Sa queue, robuste et poilue, fait entre 20 et 34 cm, ce qui lui donne une silhouette plus proche d’un gros rat à la queue touffue qu’un chat traditionnel.

Son pelage, souvent gris ou brun, est parsemé de taches blanches. Ses yeux étincelants, ses oreilles larges et arrondies l’aident dans sa chasse. Son alimentation diversifiée comprend principalement des petits mammifères, oiseaux, reptiles, ainsi que des fruits et des charognes, notamment présentes dans les zones fréquentées par l’espèce.

Une reproduction singulière, véritable secret de survie

Une particularité remarquable du Dasyurus hallucatus est que ses mâles meurent généralement après une seule saison de reproduction. On décrit ce phénomène par le terme « semelparité », qui signifie que l’individu se reproduit une seule fois avant de fonctionner. Bien que contre-intuitive, cette stratégie présente des avantages indéniables. En concentrant toute leur énergie sur cette unique période, les animaux maximisent leurs chances de transmettre leur patrimoine génétique. La saison de reproduction est donc particulièrement intense : les mâles y investissent presque tout leur temps, avec seulement 7 % de pause, poussés à l’épuisement, tandis que les femelles, moins actives, peuvent connaître jusqu’à quatre cycles de reproduction dans leur vie. La différence est notable : les mâles s’épuisent physiquement, ce qui explique leur mort inévitable à la fin de la saison, due à un état de fatigue extrême et à une baisse des hormones qui affaiblit leur système immunitaire.

Zoom sur la sémelparité

Ce comportement n’est pas unique au Dasyurus hallucatus. Par exemple, un proche parent nommé antechinus, également un petit marsupial insectivore vivant en Australie et en Tasmanie, adopte la même stratégie de reproduction. La saison de reproduction lui cause un grand stress physiologique, provoquant des hémorragies internes et des infections fatales. Chez le chat marsupial du Nord, le non-repos suffisant entraîne une chute importante d’hormones et un affaiblissement du système immunitaire, qui finissent par causer la mort des mâles. Au niveau évolutif, cette stratégie permet de produire un grand nombre de descendants en un seul cycle, augmentant ainsi la probabilité que suffisamment de jeunes survivent après les attaques de prédateurs ou dans un environnement hostile.

Chez la femelle, la naissance se traduit par une gestation très courte : seulement 21 jours. La femelle peut donner naissance à une vingtaine de petits, minuscules, de la taille d’un grain de riz. La plupart d’entre eux ne survivent pas, seuls six en moyenne parvenant à dépasser deux semaines. Ils restent accrochés à leur mère dans sa poche pendant huit semaines, puis découvrent le monde avec elle, étant donné que les mâles sont morts. Pour assurer la reproduction suivante, la maturité sexuelle doit être atteinte rapidement, généralement à un an. Quand les ressources sont rares ou saisonnières, ce mode de reproduction peut aussi représenter une stratégie de réduction de la compétition intra-spécifique, en évitant le chevauchement des générations.

Ce mode de reproduction n’est pas réservé aux marsupiaux. D’autres animaux, comme certains kangourous, sont également capables d’avoir plusieurs jeunes dans différentes phases de développement simultanément, certains étant dans la poche, d’autres en dehors ou sous forme d’embryons.

Autres exemples d’espèces adoptant cette stratégie

En dehors de l’Australie, d’autres espèces de chats marsupiaux du genre Dasyurus existent, comme Dasyurus albopunctatus, découvert en 1880 en Nouvelle-Guinée. Par ailleurs, le saumon du Pacifique suit un cycle de vie particulier, stationnant en mer durant plusieurs années avant de retourner en eaux douces pour la reproduction. Lors de cette étape, la majorité des œufs qu’il fertilise meurt peu après. Les cigales périodiques, quant à elles, vivent la majorité de leur vie sous terre sous forme de nymphes, ne sortant qu’après 13 ou 17 ans pour se reproduire puis mourir rapidement, en évitant ainsi d’être facilement prédatées. Beaucoup de papillons sont également éphémères, leur unique objectif étant de se reproduire avant de disparaître, sans autres fonctions vitales.

Questions ouvertes sur cette stratégie

Plusieurs interrogations persistent parmi les chercheurs : comment certaines espèces adoptent cette reproduction exceptionnelle ? Quelles conditions écologiques favorisent la semelparité plutôt que la reproduction régulière ? Pourquoi des environnements variés ont-ils conduit au développement de cette stratégie ? Quels sont les coûts énergétiques ou génétiques associés, et quels bénéfices en termes de succès reproducteur ? La semelparité optimise-t-elle réellement la survie dans certains milieux ? Comment les prédateurs influencent-ils cette stratégie ? Enfin, quels mécanismes hormonaux ou génétiques déclenchent cette réponse extrême ? Ces questions restent en grande partie sans réponse précise à ce jour.

Un équilibre fragile qui se désagrège

Autrefois, le Dasyurus hallucatus était largement répandu dans toute l’Australie. Malheureusement, depuis l’introduction du crapaud buffle en 1935, cette petite population a été gravement affectée. Cette espèce invasive, introduite pour lutter contre certains insectes nuisibles, a causé la défoliation de la faune locale en tuant de nombreux petits mammifères, y compris le chat marsupial du Nord, par son venin toxique. La conséquence est une régression drastique : l’espèce n’est désormais présente que dans quelques zones, et sa population est aujourd’hui classée comme menacée. La législation environnementale australienne la considère en danger critique. Les efforts de conservation tentent de sauver cette espèce, notamment en surveillant leur comportement face aux crapauds, car certains individus montrent une méfiance naturelle, ou héritée, envers ces batraciens toxiques. Des programmes de réintroduction ont été menés, notamment sur l’île Indian, où des chats marsupiaux ayant une certaine résistance ont été relâchés, avec l’espoir qu’ils puissent survivre et se reproduire malgré la présence du crapaud. De même, en 2018, vingt individus de chats marsupiaux tachetés, disparus du continent depuis plusieurs décennies, ont été ainsi relâchés, marquant une étape dans la conservation de ces mammifères vulnérables.