Les insectes connus sous le nom de scolytes choisissent généralement l’écorce des arbres affaiblis ou mourants pour poursuivre leur cycle de vie. Peu importe le type de végétation, ils ciblent une large gamme d’essences, que ce soit en conifères ou en feuillus. En France, on recense environ 140 espèces de scolytes, dont une dizaine sont responsables de dégâts significatifs dans les forêts. Le plus nuisible parmi eux est appelé le typographe, qui cause des ravages particulièrement sévères sur les épicéas. Devant cette propagation, le ministère de l’Agriculture a mis en place un plan d’action national pour limiter l’impact de cette infestation, qui menace non seulement le paysage mais aussi la filière bois.
Qui sont les scolytes ?
Les scolytes, ou Scolytinae, sont une sous-famille de coléoptères appartenant à un ordre regroupant aussi bien les scarabées que les coccinelles, et à la famille des curculionidés. Leur nom dérive d’un terme grec désignant un ver, en référence à la larve qui leur est spécifique : elle est molle, blanchâtre, arquée et dépourvue de membres. Sur la totalité des espèces recensées, qui avoisinent les 6 000, la majorité se nourrit de matières végétales, avec une petite proportion (environ 10%) qui consomme du bois, et moins d’1% capables de causer la mort d’arbres en pleine santé. Souvent, ces insectes sont spécialisés dans une seule espèce d’arbre, comme le démontre leur association avec certains types de végétaux :
- Les pins, par exemple, sont la cible du scolyte typographe (Ips typographus) et d’autres comme le Tomicus piniperda ou l’acuminé (Ips acuminatus) ;
- Les épicéas, sont souvent attaqués par le Ips typographus ainsi que par le Dendroctonus rufipennis ;
- Les sapins, principalement par le Pseudohylesinus granulatus ;
- Les mélèzes, par le Ips cembrae ;
- Les chênes, par le Scolytus intricatus ;
- Les ormes, par le Scolytus scolytus ;
- Les hêtres, par le Trypodendron domesticum ;
- Les peupliers, par le Xyleborus dispar ;
- Les bouleaux, par le Scolytus ratzeburgi ;
- Les aulnes, par l’hylésine crénelé (Hylesinus crenatus) ;
- Les frênes, par l’hylésine du frêne (Hylesinus varius) ;
- Et enfin, les arbres fruitiers comme les pommiers, par des espèces telles que Scolytus mali ou Scolytus rugulosus.
À quoi ressemblent les scolytes ?
Ces petits coléoptères adultes mesurent généralement entre 2 et 7 millimètres. Leur apparence peut varier en fonction des espèces, mais ils se distinguent par certains traits communs. Leur corps est généralement cylindrique et robuste, donnant une impression de solidité. La teinte oscille du brun foncé au noir, avec parfois des nuances de rouge ou de brun clair. La tête est souvent partiellement ou totalement rétractée dans le pronotum, qui peut présenter des motifs ou des structures comme des bosses ou des crêtes. Leurs élytres, souvent striés ou rainurés, recouvrent l’abdomen, tandis que leurs antennes, coudées, se terminent par des massues caractéristiques. Enfin, ils possèdent six pattes adaptées pour creuser dans le bois et assurer leur mobilité.
Quels dégâts causent les scolytes ?
Le début de la saison de reproduction, généralement au printemps, débute quand la température dépasse 15°C. Les adultes s’installent dans la couche interne de l’arbre, sous l’écorce, pour y consommer la couche de cambium. Ils creusent alors une « loge nuptiale » où ils s’accouplent, puis la femelle fabrique une galerie de ponte où elle dépose ses œufs. À l’éclosion, les larves avancent à l’intérieur de galeries complexes, formant un réseau particulièrement identifiable. Après leur développement, elles deviennent des jeunes adultes qui sortent de l’arbre par des trous circulaires. Ce processus de forage entame la circulation de la sève, affaiblissant l’arbre jusqu’à sa mort. Par ailleurs, ces orifices, ainsi que les galeries, ouvrent la voie à des champignons pathogènes, renforçant la dégradation de l’arbre.
Qu’est-ce qui favorise l’attaque des scolytes ?
Les scolytes sont attirés soit par l’odeur du bois fraîchement coupé ou mort, soit par les hormones de stress libérées par des arbres malades ou déshydratés. Des conditions climatiques comme la sécheresse ou les tempêtes, créant des blessures ou des déchirures, facilitent leur invasion. De plus, la succession d’étés chauds et secs, associée à des hivers doux, favorise leur prolifération puisque ces insectes se reproduisent rapidement lorsque la température est élevée, passant d’environ 6 semaines pour une génération à seulement 4 semaines en période chaude. Lorsque la population devient trop nombreuse pour se limiter au bois mort, ils s’attaquent également aux arbres encore en vie.
La situation des scolytes en France
Avec environ 140 espèces recensées, dont une petite dizaine présente un réel risque pour la forêt, la problématique est bien installée. Les épisodes de sécheresse sévère conjugués à des températures élevées dans le nord-est du pays ont permis au typographe de provoquer un dépérissement massif des épicéas. En réponse, le développement d’une génération supplémentaire par an a exacerbé l’étendue des dégâts. Initialement observée en plaine, l’épidémie s’est maintenant propagée en altitude, affectant depuis 2023 les forêts d’épicéas en montagne. Les régions comme la Bourgogne-Franche-Comté, les Hauts-de-France, la Normandie, et l’Auvergne-Rhône-Alpes connaissent des pertes lourdes, impactant une majorité d’arbres dans ces zones.
Conséquences pour la filière bois
Depuis 2018, la France estime que près de 37 millions de mètres cubes de bois sont touchés par cette épidémie (dont 22 millions en épicéa et 15 millions en sapin), sur environ 110 000 hectares de forêt affectée. Cette situation a des répercussions non seulement sur le paysage, mais aussi sur l’économie de la filière bois. Les arbres infestés, souvent contaminés par des champignons liés aux scolytes, perdent leur valeur commerciale, ce qui entraîne une chute des prix et une saturation du marché. Même le chêne, utilisé en construction, voit sa valeur diminuer lorsqu’il est touché par ces insectes.
Comment détecter une infestation de scolytes ?
Les arbres endommagés par ces coléoptères présentent plusieurs signes distinctifs :
- Accumulation de sciure visible sur le tronc et à proximité ;
- Les branches, notamment certaines, se dessèchent, et l’écorce peut se décoller par endroit ;
- Les galeries dessinées par les adultes et larves forment des motifs spécifiques, avec de petits trous de quelques millimètres à la surface ;
- Les aiguilles des arbres conifères virent du vert au brun avant de tomber ;
- Les parois des galeries abritant des champignons donnent au bois une teinte noire.
Quelles méthodes contre l’invasion des scolytes ?
Il n’existe pas de traitement chimique autorisé pour lutter directement contre les scolytes sur les arbres vivants. Cependant, il est possible de traiter certains lots de bois ou des grumes par des insecticides spécifiques. Dès avril 2024, face à l’ampleur de l’épidémie, « Tendances et animaux » met en place un plan national comprenant quatre axes majeurs :
- Faire connaître les enjeux liés aux dégâts provoqués par ces insectes ;
- Mettre en œuvre une stratégie collective pour limiter leur propagation ;
- Valoriser le bois contaminé et soutenir économiquement la filière ;
- Intégrer cette crise dans une démarche globale d’adaptation des forêts françaises face au changement climatique, qui fragilise leur résilience.
De plus, des actions concrètes sur le terrain sont menées par l’Office National des Forêts. Les agents formés repèrent rapidement les arbres infestés, qui sont alors coupés et débardés avant que les larves ne contaminent d’autres arbres sains. Le bois est ensuite traité par coupage, immersion ou écorçage pour interrompre le cycle de vie des scolytes. Une autre solution, proposée par le Département de la Santé des Forêts (DSF), consiste à utiliser des pièges à phéromones. Ces dispositifs attirent les mâles afin d’empêcher les femelles de féconder ou de coloniser de nouveaux arbres, limitant ainsi leur expansion.