La majorité des gens ignorent encore que la migration des insectes est un phénomène aussi fascinant que celle des oiseaux. En effet, des milliers de petites créatures parcourent de vastes distances à travers les océans et les continents pour s’établir dans de nouvelles zones. Voici un aperçu de quelques espèces impliquées dans ce processus extraordinaire.
La migration des insectes : un maillon essentiel de la biodiversité
Alors qu’on pensait que seules quelques mammifères et certains oiseaux effectuaient des déplacements saisonniers, la science révèle désormais que de nombreux insectes aussi migrent. Déjà connue depuis l’Antiquité pour des cas comme celui du criquet pèlerin, cette capacité reste un mystère intrigant pour les chercheurs.
Même miniscules, ces insectes entreprennent parfois des trajets allant jusqu’à plusieurs milliers de kilomètres, même si la majorité opte pour des déplacements de courte portée. Au cours de la dernière décennie, près de 1320 migrations observées en journée et 898 en soirée ont été répertoriées, à des altitudes comprises entre 150 et 1 200 mètres.
Le changement climatique, la pollution, la disparition des habitats naturels et l’usage intensif de pesticides bouleversent ces parcours migratoires, modifiant à la fois les calendriers et les routes empruntées par ces insectes. La pollution lumineuse nocturne peut également les désorienter.
Mécanismes de migration chez les insectes
La majorité de ces insectes migrateurs évoluent en groupes. Leur migration semble répondre d’abord à leur horloge interne, déclenchant leur départ avant la reproduction. Ensuite, ils se calent sur les conditions météorologiques, cherchant un climat favorable. Avant de s’envoler, ils accumulent des réserves énergétiques pour soutenir leur voyage. Leur mode de déplacement peut varier :
- trajets aller-retour ;
- parcours en boucle ;
- déplacements en lignes échelonnées ;
- suivi de corridors précis ;
- migration nomade ;
- migrations verticales (du sol vers la canopée ou des plaines vers les cols de montagne).
Ces espèces, souvent en lutte pour leur survie, occupent aussi des habitats temporaires ou inhabituels, ce qui témoigne de leur capacité d’adaptation.
L’importance écologique de la migration des insectes
Leur déplacement n’est pas qu’un spectacle naturel, il joue un rôle décisif dans l’équilibre des écosystèmes. En assurant la pollinisation de nombreuses plantes comestibles, ils contribuent directement à notre approvisionnement alimentaire. La diversité génétique des végétaux en bénéficie également, favorisant leur résilience face aux maladies.
Par ailleurs, ces insectes font partie intégrante de la chaîne alimentaire, servant de proies à une multitude de prédateurs. Leur absence pourrait donc entraîner un effondrement des réseaux trophiques. Enfin, ils participent à la régulation des nuisibles en contrôlant la prolifération de certains insectes indésirables.
Moyens de navigation des insectes migrateurs
Leur capacité à se repérer repose sur divers repères. Certains utilisent la position du soleil, d’autres le champ magnétique terrestre ou encore des éléments visuels du paysage. Certains se servent aussi des vents favorables, notamment en altitude, pour augmenter leur autonomie. Malgré leur système nerveux rudimentaire, ils élaborent des trajectoires de vol optimisées qu’ils adaptent en fonction des conditions météo.
Ce mode de déplacement reste encore partiellement mystérieux, mais il témoigne d’un degré de sophistication impressionnant, comparable à celui des oiseaux migrateurs. La recherche continue pour mieux comprendre leurs techniques de navigation.
Les principaux insectes migrateurs
La migration concerne une diversité d’insectes que nous croisons souvent sans le savoir, notamment des papillons et des coléoptères qui fuient des environnements hostiles. Certains parcourent des distances remarquables. Voici une sélection des huit espèces d’insectes migrateurs les plus emblématiques.
1 – Les papillons monarques (Danaus plexippus)
Reconnus pour leurs mouvements impressionnants, ces papillons voyagent en colonies de millions d’individus, couvrant parfois 4 000 km deux fois par an. Entre septembre et novembre, ils migrent vers le sud, principalement au Mexique, où ils se regroupent sur une surface d’environ 20 hectares pour passer l’hiver, un voyage qui s’étale sur 8 à 10 semaines, avec une moyenne de 120 km par jour. La majorité ne survit pas à ce périple.
Arrivés à destination, ils pondent puis meurent, laissant place à leur progéniture qui entamera la migration de retour au printemps, réalisant leur voyage en plusieurs générations. Ces papillons ne volent qu’en dehors des températures inférieures à 10 °C, se repliant au repos lorsque le climat est trop froid.
2 – Les libellules (Odonata)
On compte des centaines d’espèces migratrices de libellules, capables de parcourir plus de 100 km en une semaine dans des conditions favorables. Leur départ vers le sud lors du refroidissement des températures est encore mal expliqué, mais les études indiquent qu’après deux nuits froides consécutives, elles prennent leur envol.
Elles peuvent aisément couvrir 12 km en une journée, en effectuant des pauses ou en volant par vent défavorable. Ces insectes, qui existent depuis 285 millions d’années, devancent largement la migration des oiseaux, et leur comportement migratoire montre des capacités étonnantes.
3 – Les syrphes (Syrphidae)
Ces insectes, notamment connus pour leur rôle en agriculture, migrent chaque année entre le Royaume-Uni et le continent européen, en deux mouvements opposés lors des saisons printemps et automne. Ces migrations, bidirectionnelles, impliquent entre 300 et 1 000 tonnes d’insectes.
La majorité des migrations se déroulent en plein jour, utilisant souvent les vents porteurs pour faciliter leur déplacement, parfois à des altitudes jusqu’à 1 200 mètres. En mai et juin, les syrphes pondent au Royaume-Uni, puis leurs larves migrent vers le continent lorsqu’elles deviennent adultes.
4 – La coccinelle à 7 points (Coccinella septempunctata)
Dotée d’un battement d’ailes rapide, cette coccinelle est capable de parcourir de longues distances, même en mer ou en altitude jusqu’à 2 000 mètres. Elle vit en groupes durant la saison chaude, notamment à l’automne et en hiver, se refugiant sous des rochers ou dans des crevasses. À l’arrivée du printemps, elle réapparaît pour continuer son cycle.
5 – La punaise (Oncopeltus fasciatus)
Migrant principalement pour l’hivernage, cet insecte préfère les régions tempérées. En zone tropicale, il reste plutôt sédentaire, la migration n’ayant pas d’intérêt dans ces environnements. Leur déplacement coïncide généralement avec la floraison des plantes hôtes, ce qui indique une adaptation environnementale.
6 – Le criquet migrateur (Locusta migratoria)
Connus pour former de gigantesques essaims appelés « nuées de criquets », ils provoquent souvent d’importants dégâts agricoles lors de leurs migrations. Présents en Afrique, en Asie, et aussi en Europe, ces essaims sont une source alimentaire pour de nombreux animaux et une option de consommation humaine dans certains pays.
7 – Les abeilles géantes (Apis dorsata)
Leur nom vient de leur taille imposante. Ces abeilles sauvages, présentes au Pakistan, en Australie ou en Asie du Sud-Est, produisent beaucoup de miel mais demeurent inaccessibles à la domestication en raison de leur caractère agressif. Leur migration saisonnière les ramène à leurs sites de nidification, et malgré leur comportement migratoire, le mode de localisation de leur ancien nid reste une énigme pour la science.
8 – Le papillon Belle-Dame (Vanessa cardui)
Sans doute le papillon migrateur le plus répandu dans le monde, cette espèce vole en groupes de quelques individus, atteignant des vitesses de 25 à 30 km/h. Présent sur tous les continents sauf en Antarctique et en Amérique du Sud, il migre de l’Afrique vers l’Europe au printemps, puis repart à l’automne pour revenir vers le sud. Leur déplacement couvre environ 500 km par jour, avec des pauses alimentaires très courtes. La coloration de leurs ailes s’éclaircit lors de la migration en raison de l’usure des écailles.