Exploration des nuages de criquets : définition, caractéristiques et organisation

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Crédit photo : Magnus Ullman

Les rassemblements massifs de sauterelles, communément appelés « nuages » de criquets, correspondent en réalité à des groupes énormes d’insectes appelés locustes ou sauterelles tigres. Ces phénomènes, observés depuis l’Antiquité, provoquent souvent des dégâts importants dans les zones touchées. Découvrez dans cet article tous les détails sur la nature de ce comportement particulier chez ces insectes.

Quel type de criquets est principalement impliqué dans la formation d’essaims ?

Les **criquets pèlerins** (nom scientifique : Schistocerca gregaria) sont principalement responsables de la formation de ces vastes groupes. On les distingue aussi sous les noms de locustes ou de sauterelles tigres.

La vie de ces criquets se divise en deux phases : une période de solitude où ils évoluent isolément, et une phase de regroupement où ils forment de grandes colonies très actives, mobiles et prêtes à se reproduire. Lors de leur première phase, leur corps ne présente pas de taches noires, contrairement à leur apparence lorsqu’ils entrent en phase grégaire, où ils deviennent rosâtres ou jaunes selon leur degré de maturité.

Lorsqu’il s’agit d’essaims, deux scénarios principaux ont été repérés. Dans un premier modèle, seuls les criquets pèlerins constituent ces groupes. Dans un second, ces rassemblements rassemblent une majorité de locustes, mais intègrent aussi quelques autres espèces comme Acrotylus blondeli, Pyrgomorpha cognata ou Oedaleus senegalensis. Ces regroupements mixtes ont tendance à être plus dispersés et moins denses.

Différences entre criquets et sauterelles

Souvent confondus en raison de leur apparence semblable, criquets et sauterelles présentent cependant plusieurs distinctions.

La différence la plus visible concerne la longueur de leurs antennes : celles des sauterelles dépassent généralement la longueur de leur corps, alors que celles des criquets sont plus courtes. Par ailleurs, leur morphologie diffère aussi, les criquets étant plus costauds et robustes que les sauterelles, qui ont une silhouette plus élancée et fine.

En matière d’alimentation, les criquets ont une forte prédominance herbivores, ce qui leur vaut leur réputation de destructeurs des cultures agricoles. En revanche, les sauterelles ont une alimentation plus variée et sont fréquemment rencontrées dans des zones herbeuses ou sylvestres, contrairement aux criquets qui préfèrent des habitats ouverts et secs.

Concernant leur comportement grégaire, seul le criquet forme généralement des essaims massifs, alors que les sauterelles peuvent se rassembler en nombre, sans toutefois adopter un comportement de groupe aussi destructeur.

La taille impressionnante des essaims

La superficie occupée par un essaim de criquets pèlerins peut varier considérablement, allant de quelques kilomètres carrés à plusieurs centaines. En moyenne, chaque kilomètre carré contient environ 50 millions d’insectes ailés. Au total, la population d’un essaim peut atteindre des dizaines de milliards de criquets, entraînant une densité allant de moins d’un insecte par mètre cube à une dizaine. Leur forme en mouvement rappelle celle d’un nuage, car ils se déplacent selon les courants aériens de convection thermique.

Deux principaux types d’essaims existent :

  • Les essaims cumuliformes, qui volent à haute altitude (entre 1000 et 3000 mètres) grâce à des courants ascendants pouvant atteindre 160 mètres par minute. La densité à ces altitudes reste faible, environ 0,0001 à 0,06 insectes par mètre cube.
  • Les essaims stratiformes, qui se forment à des altitudes inférieures à 1000 mètres, bénéficiant de courants ascendants moins puissants. Leur forme est plus aplatie, et leur densité est plus élevée, oscillant entre 1 et 13 insectes par mètre cube.

Comment se comportent les criquets à l’intérieur des essaims ?

Au sein d’un groupe, chaque criquet adopte une trajectoire différente, mais le comportement global paraît structuré. Leur mouvement s’apparente à un phénomène de diffusion Brownien, courant chez les molécules en agitation thermique. Les collisions entre insectes sont rares, ce qui laisse penser qu’ils sont capables d’évaluer leur position relative et d’ajuster leur trajectoire en conséquence.

La direction générale de l’essaim est largement dictée par la force du vent prédominant, si celui-ci dépasse la vitesse de déplacement des criquets (généralement entre 2,5 et 7 mètres par seconde pour Schistocerca gregaria).

Le comportement des essaims au quotidien

En règle générale, les essaims migrent de jour et se posent la nuit. Cependant, certains peuvent également voler la nuit si les températures restent hautes et que des courants thermiques favorables se produisent.

Leur cycle journalier schématisé comprend :

  • La pose sur la végétation ou le sol environ une heure après le coucher du soleil jusqu’à l’aube ;
  • Une marche lente le matin, qui ne devient plus que saut ou vol en cas de perturbation ;
  • Une augmentation de la chaleur corporelle dès que le soleil se lève, avec regroupement en position perpendiculaire pour accélérer le chauffage ;
  • La décollée à l’aide des courants ascendants, apparaissant entre 9 et 10 heures, lorsque les insectes tournoyent dans l’air ;
  • Une activité maximale durant la journée, entre le matin et la tombée du soir, avec alternance de mouvement au sol et en vol.

La durée où ils restent au sol s’allonge lors des périodes de reproduction ou d’accouplement.

Le rôle des phéromones dans la communication

Pour coordonner leur comportement, les criquets utilisent principalement des phéromones, des substances chimiques spécifiques à leur espèce. Ces signaux sont essentiels pour la communication et généralement pour la formation de groupes. Lorsqu’un criquet détecte ses congénères, il émet des phéromones d’agrégation, notamment la vinylanisole.

Une fois libérée, cette molécule est captée par les antennes des autres criquets, attirant tous ceux qui se trouvent à proximité, quel que soit leur sexe ou leur âge. Plus le groupe grossit, plus le signal devient puissant, alimentant ainsi un cercle vicieux d’agrégation. Ce phénomène explique la croissance rapide des essaims.

La vinylanisole constitue donc un signal clé pour former ces rassemblements, mais d’autres substances pourraient aussi jouer un rôle dans le processus d’agrégation.

Où et quand observe-t-on ces essaims de criquets ?

Ces regroupements massifs apparaissent principalement lorsque les insectes font face à une pénurie de ressources alimentaires. En période de restrictions, ils se concentrent dans des zones riches en végétation pour se nourrir et se reproduire sans interruption. Les changements climatiques, en provoquant sécheresses ou épisodes pluvieux extrêmes, favorisent leur apparition en modifiant la disponibilité de la nourriture.

La péninsule arabique, en particulier le Yémen, devient souvent un terrain d’accueil pour ces rassemblements, notamment lors de cycles de cyclones plus fréquents.

En 2020, des essaims d’une ampleur exceptionnelle ont ravagé pendant plusieurs semaines de vastes régions d’Afrique de l’Est, notamment en Éthiopie, en Somalie et au Kenya. L’un des plus grands contenait environ 200 milliards de criquets, couvrant une superficie de 2 400 km², équivalente à celle du Luxembourg.

Sachant qu’un seul criquet consomme en moyenne 2 g de nourriture par jour, la quantité totale de nourriture dévorée par un essaim de cette dimension atteint 400 000 tonnes, ce qui représente une menace sérieuse pour la sécurité alimentaire. Ce genre de phénomène n’avait pas été observé depuis 25 ans dans la région.

La compétition accrue pour la nourriture entraîne aussi des morts parmi les insectes. La seule solution efficace reste l’application d’insecticides pour limiter leur propagation.