Les espèces parapluies : un phénomène écologique majeur dans la biodiversité

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Crédit photo : Charles J. Sharp

Peut-être avez-vous déjà entendu parler de notions d’animaux qui agissent comme des abris naturels pour d’autres espèces ? Bien que le terme puisse prêter à confusion, il ne désigne pas des animaux capables de se protéger de la pluie, mais plutôt ceux qui, en protégeant leur habitat ou en étant eux-mêmes bien protégés, contribuent indirectement à préserver toute une biodiversité. Voyons en détail cette idée de « parapluie » dans le règne animal et son rôle essentiel dans la conservation.

Qu’est-ce qu’un animal parapluie ?

Un animal considéré comme parapluie est celui dont la sauvegarde implique la préservation d’un espace de grande envergure. En protégeant cet individu ou son habitat, tout un ensemble d’autres espèces qui y vivent profite également de cette protection, souvent de manière implicite.

Par exemple, le tigre est souvent cité comme un animal parapluie : préserver son territoire, c’est aussi sauvegarder la faune et la flore qui en dépendent, des prédateurs aux herbivores, en passant par les végétations, les zones humides, ou encore les forêts. Cette approche étendue permet de couvrir tout un écosystème sans avoir à intervenir spécifiquement pour chaque espèce. Le tigre joue alors un rôle de maître d’œuvre, en quelque sorte, protégeant un large éventail de vies dans son environnement.

La notion de parapluie ne se limite pas uniquement à l’espace occupé par l’animal. Elle concerne aussi l’ensemble des besoins écologiques que la conservation de cet animal implique, garantissant ainsi la survie d’autres espèces partageant le même habitat ou dépendant de ses ressources.

Attention à ne pas confondre !

Dans le domaine de l’écologie, plusieurs termes peuvent prêter à confusion, notamment entre « espèce parapluie » et « espèce clé de voûte ». Tous deux jouent un rôle crucial, mais ils se distinguent par leur impact.

Les espèces clés de voûte sont généralement peu nombreuses et ont une influence disproportionnée sur leur environnement, comme les grands prédateurs ou les ingénieurs de l’écosystème (castors, vers de terre, abeilles). Leur disparition peut provoquer des effets en cascade beaucoup plus importants que celle de certaines espèces parapluies qui, elles, ont une influence à plus grande échelle mais moindre dans la régulation des populations. Un exemple de croisement serait le tigre, qui peut jouer ces deux rôles. Cependant, ce n’est pas systématiquement le cas, et chaque notion doit être discernée pour des stratégies de conservation adaptées.

Qui sont les véritables espèces parapluies ?

En réalité, toute espèce importante dans une chaîne écologique peut être considérée comme parapluie, puisque sa protection bénéficie souvent à de nombreuses autres. Cependant, celles qui mobilisent beaucoup l’attention médiatique ou qui sont emblématiques sont souvent choisies pour agir comme leviers de conservation.

Parmi ces figures charismatiques, on trouve le tigre (Panthera tigris), le panda géant (Ailuropoda melanoleuca), l’ours blanc (Ursus maritimus), ainsi que des espèces marines telles que le requin ou la baleine à bosse (Megaptera novaeangliae). Leur attrait émotionnel facilite la mobilisation du public et amplifie les efforts de protection pour l’ensemble de leur environnement. Même certains papillons, peu connus, jouent ce rôle dans certains écosystèmes spécifiques.

Des espèces parapluies en France

Oui, la France possède également ses propres « parapluies » parmi la faune. Le plus petit, mais pas le moins important, est le Pique-prune (Osmoderma eremita), un coléoptère menacé de disparition, qui vit dans les forêts anciennes, riches en bois mort. La protection de cette espèce permet d’assurer la santé de ces habitats forestiers rares, pouvant accueillir d’autres habitants comme les rapaces nocturnes ou d’autres insectes précieux pour la biodiversité.

Les limites de cette approche

Si la stratégie consistant à protéger des espèces parapluies a montré ses effets positifs dans plusieurs régions, certains experts soulignent ses limites. Des études alertent sur le risque de surestimer leur rôle ou d’attendre des résultats trop longs. La sélection d’une espèce parapluie doit donc être pertinente et intégrée dans une démarche plus large de gestion de la biodiversité.

Par ailleurs, l’intérêt public pour certaines de ces espèces n’est pas toujours au rendez-vous. Leur rôle de « parapluie » ne suffit pas à mobiliser, notamment pour des organismes peu charismatiques ou moins médiatisés, comme la mulette perlière d’eau douce (Margaritifera margaritifera), le taupin violacé (Limoniscus violaceus) ou le desman des Pyrénées (Galemys pyrenaicus).

Exemples concrets d’espèces parapluies

Voici quelques illustrations afin de montrer comment la protection de ces animaux peut générer des effets bénéfiques étendus, tant à l’échelle locale qu’internationale :

Le tigre de Thaïlande (Panthera tigris)

En conservant le tigre thaïlandais, on sauvegarde aussi ses proies principales, comme les Gayals, un bovidé sauvage. La diminution des populations de Gayals pourrait déséquilibrer la chaîne alimentaire, impactant également des espèces telles que le tapir indien. La préservation du tigre favorise donc la stabilité de tout un réseau de relations, allant jusqu’à des prédateurs nocturnes et petits carnivores proches.

Le dugong (Dugong dugon)

Vivant dans les eaux chaudes de l’océan Indien et du Pacifique, ce mammifère marin herbivore est une espèce emblématique. Sa sauvegarde contribue également à la protection des tortues vertes, qui partagent avec lui leur habitat. Cette relation permet de préserver d’autres poissons comme le poisson Napoléon (Cheilinus undulatus), un protagoniste clé de ces écosystèmes marins.

L’éléphant d’Afrique

L’éléphant de savane et celui de forêt sont deux espèces menacées mais considérées comme parapluies, puisqu’en les protégeant, on conserve également les habitats d’autres grands animaux comme le gorille ou le bongo, qui vivent dans les mêmes biotopes. Par exemple, la protection de ces pachydermes aide à maintenir en vie des plantes en danger, telles que le Mukulungu, un arbre précieux pour la faune locale.

Le lynx

En Europe, plusieurs lynx (pardelle, boréal, roux) contribuent à la régulation des populations de cerfs, tout comme d’autres prédateurs comme la chouette Tengmalm ou la chauve-souris Myotis bechsteinii. Leur présence permet de préserver la biodiversité forestière, tout en maintenant en bonne santé ces habitats riches.

La loutre d’Europe (Lutra lutra)

La restauration des eaux claires et poissonneuses favorise la présence de nombreuses espèces aquatiques, telles que les poissons, insectes (libellules) ou oiseaux (hérons), ainsi que des mammifères comme la loutre. En protégeant cette dernière, c’est tout un écosystème aquatique qui bénéficie d’un cercle vertueux de conservation.