Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les araignées de mer ne sont pas des arachnides que l’on retrouve dans nos habitats domestiques. Leur ressemblance avec ces dernières est notable, notamment par leurs longues pattes délicates qui s’étendent d’un corps arrondi et bombé. En réalité, ces créatures appartiennent à la famille des crabes et se retrouvent principalemnt sur les côtes européennes, où elles sont collectées pour la consommation. La France se situe en tête parmi les pays pêchant ces crustacés à l’échelle mondiale, avec un vif intérêt pour leur chair. Un regard de plus près sur cette charnière entre crustacé et « couronne d’épine ».
Qu’est-ce qu’une araignée de mer ?
Ces crustacés à dix pattes appartiennent à la famille des majidés. Leur morphologie partagée inclut une carapace à la forme triangulaire aux bords arrondis, accompagnée de longues jambes évoquant celles des araignées terrestres. Sur le littoral français, on distingue principalement quatre types, deux étant particulièrement appréciés pour leur chair :
- La espèce dominant en Atlantique (maja brachydactyla) ;
- La grande espèce méditerranéenne (maja squinado) ;
- La petite araignée de mer (Maja crispata), ne dépassant pas 8 cm, avec une carapace allongée et un rostre pointu, présente dans les ports de la mer Méditerranée et de l’Atlantique ;
- L’araignée hérissée (Neomaja goltziana), atteignant 11 cm, identifiable à ses longues épines recouvrant sa carapace en forme de poire et ses pattes à pointes saillantes, vit en Méditerranée.
Comment identifier une araignée de mer ?
Pendant longtemps, jusqu’au début des années 2000, les deux premières espèces étaient confondues sous le même nom, Maja squinado. Cependant, des études morphologiques et génétiques ont permis de différencier ces deux crustacés très similaires. Voici les traits distinctifs de chacune :
L’araignée de mer Atlantique (Maja brachydactyla)
Ce crustacé peut atteindre 3 kg. Sa carapace, qui peut mesurer jusqu’à 22 cm de long et 15 cm de large, est arrondie et légèrement convexe. Ses bords sont ornés de saillies pointues, et son dos est couvert d’épines fines mais acérées. Ses yeux peuvent totalement se rétracter, et son rostre se prolonge en deux tubercules proéminents. Ses dix longues pattes, finement poilues et se terminant par des griffes, se caractérisent par une première paire plus robuste, lisse, équipée de pinces blanches, celles du mâle étant plus larges que celles de la femelle. La couleur varie du brun-rouge au brun-jaune, avec une pilosité visible.
La grande araignée de Méditerranée (Maja squinado)
Avec un poids maximal d’environ 3 kg, cette espèce possède une carapace arrondie, convexe, pouvant atteindre 25 cm de longueur et 18 cm de largeur. Elle est ornée de grandes épines, et sa surface dorsale dévoile une rangée de pointes tranchantes. La première paire de pattes, plus large et lisse, est dotée de pinces plus petites comparée à celles du Maja brachydactyla. Les autres pattes, fines et munies de courtes soies, complètent cet ensemble. Entre ses yeux rétractiles, le rostre se prolonge en deux tubercules épaissis en forme de V. La coloration va du jaune au marron, en passant par un rouge orangé.
Où vivent ces crustacés ?
Maja brachydactyla est strictement présente dans les eaux tempérées de l’Atlantique. Sa zone d’habitat s’étend de la Manche orientale jusqu’aux côtes marocaines et mauritaniennes. On la trouve principalement sur des fonds rocheux ou sablonneux, souvent parmi les algues, entre la surface et 50 mètres de profondeur. Lors des mois d’août à octobre, ces crustacés migrent vers des eaux plus profondes, allant jusqu’à 80 mètres. La Maja squinado, quant à elle, réside exclusivement en Méditerranée, où elle évolue sur différents types de substrats, comme les fonds rocheux ou végétalisés, jusqu’à 120 mètres de profondeur.
Que mangent ces crabes ?
Omnivores, les araignées de mer adoptent un régime alimentaire varié. Leur menu comprend des végétaux tels que les algues, ainsi que divers animalia : étoiles de mer, oursins, concombres de mer, ophiures, crustacés plus petits, vers annelides, cnidaires, mollusques (gastéropodes et bivalves, même si leurs pinces sont peu adaptées pour briser les coquilles très dures), et parfois des poissons morts. Lors de leur phase larvaire, ils se nourrissent principalement de plancton. Ces crustacés sont surtout actifs la nuit, lorsqu’ils chassent dans l’obscurité.
Comment changent leur carapace ces crustacés ?
Pour grandir ou réparer des blessures, chaque crustacé doit renouveler son exosquelette rigide, un processus appelé mue. Avant de muer, il arrête de se nourrir, s’imbibe d’eau pour gonfler et provoquer la rupture de sa carapace. Lorsqu’il sort de son ancien exosquelette (exuviation), son corps reste mou et vulnérable, exposé à ses prédateurs. Il puise alors dans l’eau de mer les sels nécessaires à la calcification de sa nouvelle carapace, afin de la renforcer. La mue est une étape rapide, mais elle implique une période de grande fragilité. À l’instar des autres crustacés, ces araignées de mer ne muent plus après une certaine étape, ce qui raccourcit leur durée de vie puisque leur capacité à réparer ou à grandir est alors définitivement interrompue.
Quel est leur mode de vie ?
Lors des périodes de mue, leur coquille étant molle, ces crabes se réfugient en formations denses dans des eaux peu profondes, souvent en amas mêlant plusieurs dizaines d’individus. Les plus gros mâles sont positionnés en haut des regroupements. Approchant de la saison printanière, après une migration en eaux plus profondes, ils remontent vers les côtes où ils passent l’automne. De nature assez timide, ils évitent généralement la proximité des plongeurs ou des prédateurs, se camouflant grâce à leur carapace recouverte d’algues et d’organismes marins, ce qui leur confère un aspect naturel dissimulé dans leur environnement. Solitaires en dehors de la période de reproduction, ils ne fréquentent leur congénères que pour se reproduire.
Quelle est leur méthode de reproduction ?
La rencontre pour la reproduction se produit généralement après la mue de la femelle, lorsque sa carapace est encore molle. Le mâle se positionne dessus, insère ses gonopodes dans ses ouvertures génitales pour féconder ses œufs. Le processus peut durer plusieurs heures. La femelle stocke alors une énorme quantité d’œufs fécondés, allant de 50 000 à 500 000, qu’elle maintient attachés à ses pléopodes. Ces masses d’œufs restent fixées grâce à une substance adhésive pour une période minimale de 3 mois. Lorsqu’ils sont prêts à éclore, les œufs tombent au fond de la mer et entrent en contact avec le zooplancton. Les larves, qui en émergent, subissent plusieurs mues avant de prendre une apparence miniature d’adulte. De jeunes crustacés, appelés « moussettes », continuent à muer jusqu’à ce qu’ils atteignent leur maturité sexuelle vers l’âge de deux ans.
Y a-t-il des protections pour ces espèces ?
Leur principaux prédateurs incluent en particulier les poulpes, homards et certains poissons carnassiers comme les bars ou les mérous, qui ciblent surtout les jeunes et pendant la mue. La situation juridique de ces crustacés reste incertaine, leur statut de protection étant insuffisamment évalué par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN). Toutefois, la Tendances et animaux indique que ces espèces bénéficient d’une protection en Europe, notamment via l’Annexe III de la Convention de Berne, réglementant strictement leur pêche pour éviter leur surexploitation. La France se distingue en étant le premier pays à pêcher ces crustacés à l’échelle mondiale. Leur espérance de vie tourne autour de sept à huit ans.