La petite créature appartenant à la famille des décapodes, le crustacé doté de dix pattes, est fréquemment trouvée dans les milieux d’eau douce. Sa présence est facilement repérable grâce à ses pinces robustes et un thorax de taille imposante. Son queue large lui permet d’effectuer des mouvements de recul rapides en cas d’alerté. Cette arme défensive, cependant, reste peu efficace face aux nombreux risques qui la guettent, surtout pour les populations indigènes.
Portrait d’un petit crustacé
La taille de ce crustacé varie généralement entre 4 et 20 centimètres. Doté d’un thorax solide et de pinces puissantes, il ressemble à une version miniature du homard. Sur notre planète, presque 600 espèces existent à travers le monde. En France, trois sont indigènes, occupant naturellement leur habitat, tandis que six autres ont été introduites par l’homme, volontairement ou accidentalement.
Les écrevisses natives :
- Écrevisse à pattes blanches
- Écrevisse à pattes rouges
- Écrevisse des torrents
Les écrevisses introduites :
- Écrevisse du Pacifique
- Écrevisse américaine
- Écrevisse de Louisiane
- Écrevisse aux pattes fines
- Écrevisse juvénile
- Écrevisse calicot
Un habitat paisible
Ces crustacés préfèrent évoluer dans nos eaux douces telles que rivières, canaux, lacs, étangs, barrages ou réservoirs. Leur lieu de prédilection se caractérise par une eau claire et bien oxygénée, où le fond est solide et dépourvu de végétation trop dense. Ils profitent particulièrement des zones escarpées où ils creusent des galeries ou se protègent sous des débris comme des branches, des rochers ou des troncs. Faiblement nageurs, ils avancent en reculant en frappant leur queue contre leur corps, ce qui leur permet de parcourir de courtes distances après avoir stocké de l’eau dans leurs branchies pour respirer hors de l’eau. Lorsqu’ils trouvent un environnement peu adapté, ces crustacés ont la capacité de se déplacer sur de longues distances pour dénicher un nouveau point d’eau.
Leur alimentation : un régime à base de restes
Animés principalement durant la nuit, ces créatures cherchent leur nourriture dans l’obscurité. Omnivores, ils consomment une grande variété de matériaux, notamment des larves d’insectes, des mollusques, des œufs de poissons, ainsi que divers débris végétaux ou animaux flottant dans l’eau. Leur menu inclut aussi bien des feuilles mortes, des algues, que des racines aquatiques ou même des carcasses de petits animaux. En hiver, ils entrent en période de jeûne, sauf pour la variété américaine qui continue à s’alimenter.
La mue : un processus vital riche en calcium
Tout comme d’autres crustacés, ces espèces possèdent une carapace externe dure, nommée exosquelette, qui leur sert de protection et limite leur croissance. Pour continuer à grandir, ils doivent régulièrement se débarrasser de cet exosquelette via une étape appelée mue. Durant ce processus, l’écrevisse devient molle, ce qui la rend très vulnérable, et elle cherche refuge. Leur exosquelette, riche en calcium, constitue un repas essentiel pour elles afin de récupérer cette substance et durcir leur nouvelle carapace. Après une période de huit à dix jours, leur armure redevient solide, et l’animal peut à nouveau explorer à l’extérieur de son abri. Au cours de leur première année, elles effectuent entre sept et huit mues. En adulte, la fréquence diminue : une mue annuelle pour les femelles, deux pour les mâles, et jusqu’à trois pour l’écrevisse de Louisiane.
Reproduction : jusqu’à 500 œufs à chaque cycle de ponte
Le processus de reproduction débute avec l’accouplement, souvent à l’automne, lorsque la température de l’eau chute en dessous de 10 °C. Le mâle féconde la femelle en utilisant ses pattes modifiées. La femelle se met alors en position ventrale pour recevoir le sperme. Les œufs sont déposés quelques semaines plus tard et incubés durant une période qui peut s’étendre de 6 à 9 mois, selon la température de l’eau. A la fin de cette incubation, la naissances des jeunes a lieu au printemps. Ces petits crustacés restent souvent accrochés à l’abdomen de leur mère pendant deux semaines avant de devenir capables de nager et de se déplacer de manière indépendante. La fertilité varie selon les espèces, la plupart pondant entre 60 et 150 œufs, sauf l’écrevisse à pattes fines capable de produire jusqu’à 500 œufs. Les cénotes de Louisiane se reproduisent une à deux fois par an et peuvent produire entre 100 et 500 œufs à chaque fois.
Des prédateurs nombreux et voraces
Ces petits crustacés, particulièrement vulnérables lors de leur mue, constituent la proie favorite de divers prédateurs aquatiques et terrestres. Parmi eux, des poissons comme le brochet ou la carpe, ainsi que des oiseaux aquatiques tels que le héron ou le balbuzard-pêcheur, se régalent de ces crustacés. Les mammifères comme la loutre, le ragondin ou même l’homme ne dédaignent pas leur chair tendre et savoureuse. Il est aussi important de noter que ces écrevisses peuvent se montrer cannibales, notamment lorsqu’ils sont en période de faiblesse ou de vulnérabilité.
Une espèce en péril
Depuis la fin du XIXe siècle, la distribution des écrevisses en France a connu une chute alarmante de leur population indigène. Plusieurs causes expliquent cette situation, notamment la propagation d’une maladie appelée anphonyme, ou peste de l’écrevisse, provoquée par un champignon microscopique. Les espèces américaines, souvent porteuses saines de cette maladie, ne font qu’accélérer sa diffusion. Par ailleurs, la concurrence avec des espèces invasives introduites volontairement ou non, ainsi que la dégradation des habitats naturels et la pollution des eaux, ont considérablement perturbé ces populations autochtones. En moins d’un siècle, ces facteurs ont provoqué un déclin dramatique, causant la disparition ou la raréfaction de nombreuses populations sauvages.
Actions pour protéger l’écrevisse
Des dispositifs réglementaires ont été mis en place pour préserver cette espèce menacée. La France, par exemple, a instauré un arrêté en juillet 1983 visant à protéger les espèces autochtones et leur habitat naturel. L’Observatoire national de l’eau et des milieux aquatiques (Onema), chargé de la surveillance, collabore avec des chercheurs pour mieux comprendre les mécanismes d’invasion et développer des stratégies de contrôle. Les efforts portent aussi sur la lutte contre le braconnage et la mise en garde contre l’introduction d’espèces exotiques dans les milieux naturels. En outre, la réglementation européenne de juillet 2016 a identifié 37 espèces vulnérables, parmi lesquelles figurent notamment l’écrevisse américaine, californienne et louisianaise, qui doivent faire l’objet de mesures spécifiques pour limiter leur expansion.
Crédit photo : David Gerke