Squalophobie : tout savoir sur la peur des requins

Accueil » Les animaux sauvages » Anecdotes insolites » Squalophobie : tout savoir sur la peur des requins

Il est tout à fait normal de ressentir de la crainte face à certaines situations. Toutefois, certaines personnes peuvent réagir de façon excessive, développant une peur irrationnelle qui limite leur liberté d’action face à une menace spécifique. On parle alors de phobie. Dans cet exposé, nous allons explorer la particularité de la peur des requins, connue sous le nom de squalophobie.

Qu’est-ce que la squalophobie ?

Chez les individus souffrant de cette phobie, la barrière entre la dangerosité de la mer et la présence potentielle de requins disparaît. Dès qu’ils mettent un pied dans l’eau, ils visualisent une grande mâchoire s’approchant d’eux avec l’intention de les attaquer. Cette crainte ne les empêche pas nécessairement de se baigner, mais ils doivent adopter des stratégies pour apaiser leur anxiety. Par exemple, ils peuvent observer la présence d’autres nageurs au large, susceptibles d’attirer l’attention des requins, ou encore porter des équipements comme des palmes pour maintenir une distance de sécurité, dans l’espoir que le requin ciblera d’abord les palmes avant de faire face à eux. Malgré ces précautions, une angoisse persistante les envahit, les empêchant de profiter pleinement des plaisirs de la mer.

Ce type de réaction est épuisant, aussi bien physiquement que mentalement. La majorité des personnes atteintes de phobie finissent par être incapables de gérer la tension que génère leur peur, qui ne concerne pas réellement la mer, mais la menace que représente pour elles la possibilité qu’un requin surgisse à tout moment. Cette peur intense vis-à-vis des requins est plus répandue qu’on ne le croit, même si peu de statistiques sont disponibles à ce sujet. Fait étonnant, cette crainte extrême apparaît souvent chez des individus qui n’ont jamais eu l’occasion de croiser un requin dans leur vie.

La réalité virtuelle comme solution contre la squalophobie

Les premières expérimentations thérapeutiques utilisant la réalité virtuelle remontent aux années 1980 aux États-Unis. Initialement concentrés sur la peur du vide (l’acrophobie), ces essais ont rapidement démontré leur efficacité à partir de 1995. En France, le docteur Eric Malbos, psychiatre passionné de jeux vidéo et de science-fiction, figure parmi les pionniers de cette approche. Au début, il concevait lui-même des environnements immersifs correspondant aux peurs spécifiques de ses patients. La baisse des coûts des casques de réalité virtuelle et la disponibilité de mondes virtuels tout prêts ont permis d’accélérer leur utilisation dans le traitement de phobies, que ce soit en hôpital ou en cabinet privé.

Ce traitement, toutefois, ne doit pas être considéré comme une solution miracle. Le diagnostic doit être posé lors d’une première consultation. La thérapie peut nécessiter entre dix et douze séances, chacune durant environ quarante minutes, en fonction de la gravité de la phobie. Avant de s’exposer à des environnements synthétiques, il est essentiel que le patient maîtrise la gestion de son stress et de ses émotions. Il arrive que cette méthode ne donne pas de résultats — notamment lorsque le patient néglige la relaxation ou privilégie une démarche analytique introspective, comme la psychanalyse.

Par ailleurs, cette thérapie peut entraîner des effets secondaires. La réalité virtuelle peut transmettre des signaux contradictoires à notre cerveau et à notre corps : en immersion, on se retrouve dans l’eau, mais notre corps sait que cette immersion n’est qu’artificielle. Certains ressentent alors un mal-être, décrit comme la cybersickness ou « mal de la réalité virtuelle », avec fatigue, sensation de lourdeur dans la tête et nausées. D’autres risques, évoqués par des spécialistes, concernent la santé psychologique ou cardiovasculaire, la rétine à cause de la lumière bleue, ou encore des modifications neurocognitives à long terme, sans que ces effets aient été prouvés scientifiquement. Les fabricants recommandent d’éviter l’usage de ces dispositifs chez les moins de 13 ans, ainsi que l’exposition prolongée. En 2021, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Tendances et animaux) a publié des recommandations pour limiter ces risques.

Le contexte général favorisant la squalophobie

Plusieurs experts en requins déplorent que ces animaux soient souvent caricaturés comme des voraces aimant la chair humaine. Pourtant, connaître un peu mieux cet animal permet de constater qu’il ne correspond pas à cette image de prédateur sanguinaire. Dans de nombreuses cultures insulaires, le requin fait partie intégrante du mythe originel du monde. Il n’y est pas systématiquement craint, mais plutôt respecté, voire aimé dans certains cas. Le film de Steven Spielberg Les dents de la mer, sorti en 1975, a profondément marqué les esprits en amplifiant cette image de danger. Avec ses scènes captivantes et ses mâchoires géantes (exagérées à l’écran), il a nourri la peur collective autour de cet animal, en jouant sur le suspense à la Hitchcock.

Les médias jouent aussi un rôle dans la perception négative des requins. Une étude a montré qu’ils relaient davantage de nouvelles sur le danger que représente un requin pour l’homme, plutôt que sur la fréquence réelle des attaques. Lorsqu’un incident se produit, il génère souvent une large couverture médiatique, tandis que d’autres attaques plus nombreuses, par exemple contre d’autres grands carnivores, restent peu médiatisées. La réaction des politiques est aussi influencée par cette image, car leur devoir est d’intervenir rapidement face aux menaces sur la sécurité publique.

La relation entre requins, science, patrimoine naturel, et enjeux économiques est complexe. Cependant, leur réputation s’est particulièrement détériorée : les films, séries et bandes dessinées ont contribué à faire du requin un animal considéré comme un dangereux prédateur, plutôt qu’un être en danger d’extinction. Depuis le début des années 2000, le nombre d’attaques a tendance à augmenter à l’échelle mondiale, notamment à La Réunion, où environ 6 % des attaques mortelles sont imputables à des requins bouledogues ou tigres, principalement dans la zone protégée créée en 2007. Ces attaques ont un impact direct sur le tourisme et l’économie locale, en raison des activités nautiques dans ces zones sensibles.

Les requins constituent-ils une menace réelle pour l’homme ?

Alors que certaines espèces de requins en France métropolitaine sont en danger, aucune d’entre elles ne bénéficie d’une protection spécifique prévue par la législation. La pratique consistant à couper les nageoires pour en tirer des propriétés médicinales est interdite par l’Union européenne, mais l’efficacité de cette interdiction demeure difficile à évaluer. La réalité, cependant, est que le comportement des requins est souvent mal compris. Beaucoup d’enfants croient que ces animaux sont « méchants », mais en réalité, ils ne le sont pas. Cette confusion vient de notre tendance à leur prêter des intentions humaines (anthropomorphisme). Il est crucial de rappeler que la méchanceté suppose une volonté de faire du mal, ce qui n’a pas de sens chez les requins, dont l’objectif premier est de se nourrir.

Une morsure de requin n’est pas nécessairement une attaque visant un humain : notre graisse corporelle ne leur offre pas de nourriture suffisante, ils peuvent simplement se tromper. Lorsqu’ils réalisent leur erreur, la plupart relâchent leur proie. Cependant, une morsure peut causer une hémorragie mortelle, même si cela reste rare — environ une fois sur dix en 2019. La majorité des rencontres avec des requins se produisent quotidiennement, mais la plupart du temps, il s’agit de simples erreurs d’identification. Aujourd’hui, l’homme représente aussi une menace pour les requins, par la destruction de leurs habitats et la surpêche. Il est donc important de nuancer cette idée de menace.