Signification et origine de l’expression ‘Avoir la chair de poule’

Accueil » Les animaux sauvages » Anecdotes insolites » Signification et origine de l’expression ‘Avoir la chair de poule’

Chacun a déjà ressenti cette sensation de chair de poule à plusieurs reprises au cours de sa vie. Que ce soit face au froid, à la peur ou à une émotion intense, cette expérience se manifeste par une réaction que l’on reconnaît facilement : la montée des petits poils sur la peau, souvent accompagnée d’une sensation de picotement ou de frisson. Dans cet exposé, nous explorerons l’origine du terme, son lien avec l’oiseau dont il tire son nom, ainsi que la procédure scientifique qui explique ce phénomène physiologique.

Signification de l’expression “avoir la chair de poule”

Couramment employée dans le langage courant, cette expression désigne un état où la peau devient hérissée, généralement sous l’effet du froid, de la menace ou d’un frisson d’excitation. Elle traduit une réaction réflexe de la peau face à une émotion forte. Cette réaction se manifeste par le redressement des poils, souvent localisé sur des zones comme les bras ou le cou. On peut aussi la remplacer par des expressions telles que ressentir le froid ou la peur, trembler, frissonner, ou encore avoir la trouille. Certains utilisent aussi des formulations comme “donner la chair de poule” ou “faire venir la chair de poule”. Voici quelques exemples illustrant cette expression dans différentes situations :

  • “Une femme frissonnant de tout son corps, avec la peau pâle et satinée de son cou qui devient rugueuse : c’était la chair de poule.” (Honoré de Balzac, Gobseck, 1830) ;
  • “Ce que tu dis me donne la chair de poule. Sais-tu ce qu’il planifie de faire de toi.” (Honoré de Balzac, Histoire de la grandeur et de la décadence, 1837) ;
  • “On va t’exécuter, lança ma cousine. J’en ai la chair de poule.” (Georges Darien, Biribi, 1890) ;
  • “Elle ressentait à la fois la chair de poule et, tendant son bras, elle nous invitait à constater cette réaction si étonnante mais concrète, causée par une sensation de frisson extatique qui ne diminuait pas.” (Jacques Borel, L’aveu différé, 1997) ;
  • “Tu as la chair de poule. Tu as froid ? Non, c’est la trouille ! Mais je ne peux pas passer par là le soir sans ressentir la chair de poule.” (Louis Gigout, Syracuse : Chroniques de voyage, 2007).

Le lien entre “avoir la chair de poule” et l’oiseau

Les auteurs qui emploient cette expression cherchent à transmettre une émotion intense, souvent liée à la peur ou au froid. La réaction entraîne la contraction des muscles responsables de l’érection des poils, ce qui forme une petite boule ou une sorte de gouttelette à la base du poil, d’où l’aspect hérissé. La peau semble alors recouverte de petits grains, rappelant le plumage dressé d’une poule plumée, d’où l’origine du terme. Historiquement, cette expression apparaissait au XVIIe siècle, notamment chez les médecins, comme une façon métaphorique de désigner ce phénomène, qui était visuellement comparable à la peau granulée d’un poulet plumée. La familiarité des marchés avec les volailles à cette époque contribuait à la compréhension immédiate de cette image.

Origine de l’expression “avoir la chair de poule”

Le corps médical est parmi les premiers à avoir utilisé cette expression, en 1867, pour décrire un état temporaire associé à la pâleur, au refroidissement et à la contraction des follicules pileux suite à une réaction de l’organisme. Ce phénomène, souvent accompagné de frissons, est particulièrement marqué lors des premiers accès de fièvre. Selon Eugène Bouchut, un remède simple comme boire des boissons chaudes ou se couvrir avec des couvertures épaisses suffit généralement à faire disparaître cette réaction. La raison pour laquelle on parle de “chair” plutôt que de “peau” repose sur le sens ancien du mot : au fil du temps, “chair” désignait aussi la peau, comme l’indiquait le Dictionnaire universel d’Antoine Furetière en 1690, décrivant la chair comme étant la surface extérieure ou le teint d’une personne.

Pourquoi notre corps réagit-il avec la chair de poule ?

Ce phénomène, vulgarisé sous le nom de “chair de poule”, correspond à une réaction réflexe appelée scientifiquement pilo-érection ou horripilation. Lorsqu’on ressent du froid ou de la peur, des muscles situés à la racine des poils se contractent soudainement, ce qui fait dresser les poils et crée une apparence de petites bosses sur la peau. Cette réaction a une fonction de défense thermique, puisque la couche d’air ainsi formée agit comme une isolation pour limiter la déperdition de chaleur et maintenir la température corporelle constante.

Depuis quand l’expression “avoir la chair de poule” est-elle utilisée ?

Depuis le XVIIIe siècle, cette locution a été adoptée dans le vocabulaire littéraire et populaire, souvent pour évoquer la peur plutôt que le froid. Des écrivains et poètes de l’époque l’ont intégrée dans leurs œuvres pour décrire des états d’angoisse ou d’émotion intense. Par exemple :

  • “Je suis très content de cette décision, et cela me donne la chair de poule.” (Léandre grosse, Théâtre des boulevards, 1756) ;
  • “Les histoires de M. d’Harnoncourt provoquaient chez elle la chair de poule.” (Rapports des inspecteurs de police sous Louis XV, 1756-1763) ;
  • “Je ne peux m’empêcher d’avoir la chair de poule en y repensant.” (Denis Diderot, Lettre de 1762) ;
  • “Il me donne la chair de poule. C’est sûrement un grand coquin.” (Contes arabes, 1788) ;

Enfin, une formulation humoristique illustre cette réaction par une expression plus familière : “J’en ai la chair de coq”, comme le suggère Saint-Yves et Léon de Villiers dans leur ouvrage humoristique de 1838, montrant que ce phénomène continue d’être une source d’expression dans la langue populaire.