Signification et origine de l’expression ‘Avoir des yeux de merlan frit’

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Le terme « avoir des yeux de merlan frit » est souvent employé dans des contextes amoureux pour désigner une personne au regard énamouré ou hébété. Mais d’où vient réellement cette expression ? Quel lien existe-t-il avec ce poisson ? Et pourquoi l’y associe-t-on à une cuisson spécifique ? Voici l’histoire et la signification de cette formule colorée du langage populaire.

Quelle est la véritable signification de l’expression “avoir des yeux de merlan frit” ?

Au fil du temps, le sens de cette expression a connu plusieurs évolutions. Autrefois, elle décrivait un regard qui exprimait la surprise ou la révolte, avec des yeux ouverts et blancs, accentuant l’effet d’étonnement ou de stupeur. Par exemple, dans des textes anciens, on la retrouve pour dépeindre un personnage avec un regard exagérément révulsé ou wide-eyed. Plus récemment, l’expression s’associe à un regard d’amour ou de fascination, où la personne affiche une attitude rêveuse, parfois ridicule ou naïve, à l’égard de son ou sa bien-aimé(e).

  • Autrefois, le terme qualifiait une personne dont le regard exprimait l’étonnement ou le choc, avec des yeux exorbités qui ne laissaient voir que la partie blanche. On peut illustrer cette idée dans des œuvres anciennes où le personnage est décrit comme ayant « des yeux de merlan frit », évoquant une expression de surprise intense.
  • De nos jours, cette expression évoque plutôt un regard amoureux, parfois un peu naïf ou béat, porté sur l’être aimé, avec des yeux ronds et hébétés, souvent interprétés comme une marque d’extase ou d’abandon sentimental. On retrouve cette utilisation dans la littérature du XXe siècle, avec notamment des passages où le regard béat est associé à la fascination amoureuse.

Comment traduire cette expression dans d’autres langues ?

À l’étranger, on retrouve parfois des équivalents avec des différences culturelles, utilisant d’autres poissons ou animaux pour évoquer le regard énamouré ou surpris. Par exemple :

  • En Italie, on parle de faire « gli occhi di triglia » ou « gli occhi da pesce bollito » (regarder avec des yeux de poisson bouilli), pour exprimer une sorte de regard hébété ou rêveur.
  • Au Brésil, la formule « fazer olhos de peixe morto » (faire des yeux de poisson mort) est utilisée pour décrire un regard vide ou hébété.
  • En Hollande, l’expression « kijken als een schelvis op het droge » (regarder comme un églefin hors de l’eau) évoque un regard étonné ou déconcerté.
  • En Belgique, on dit aussi « regarder comme une schelvis op het droge » pour un regard de surprise ou d’incrédulité.

Quelle est l’origine de cette expression et pourquoi le poisson frit ?

Pour comprendre cette expression, il faut observer le comportement du poisson après la cuisson. Lorsqu’un merlan est frit, ses yeux ressortent souvent, donnant une impression de blanc exagéré, avec une bouche qui peut rester entrouverte, renforçant l’aspect comique ou grotesque de l’image. Certains historiens pensent que la formule aurait été popularisée par le cinéma muet, où les acteurs, incapables de parler, utilisaient l’exagération des mimiques pour transmettre leurs émotions. Le regard hébété ou extatique, accentué par des expressions faciales souvent caricaturales, aurait alors donné naissance à la formule « avoir des yeux de merlan frit ».

Depuis quand cette expression est-elle utilisée ?

Les premières traces écrites de cette locution apparaissent au XVIIIe siècle. La première occurrence connue date de 1725 dans un ouvrage argotique, où l’on décrit quelqu’un avec « des yeux de merlan ». À l’époque, la référence ne concernait pas encore la friture, mais simplement le regard brillant ou fixe. Ce n’est que deux décennies plus tard que la notion de friture a été associée à cette expression, probablement pour renforcer le côté hébété ou stupéfait du regard.

Pourquoi avoir choisi le merlan plutôt qu’un autre poisson ?

Dans le langage populaire, le choix du merlan s’est imposé pour plusieurs raisons. Au XVIIIe siècle, la comparaison se faisait plutôt avec la carpe, un poisson aux yeux tendres et expressifs, comme l’indique un extrait de 1745 où l’on décrit un regard amoureux comme « des yeux de carpe frite ». Cependant, la carpe étant une image un peu plus douce, c’est le merlan qui a fini par être privilégié, notamment pour ses connotations argotiques. En effet, à cette époque, le mot « merlan » désignait aussi un coiffeur, en raison de la poudre de riz qu’il appliquait, semblable à une farine ou à de la pâte en enfarinant le poisson avant de le faire frire. Cette analogie péjorative, accentuant la naïveté ou la timidité, aurait favorisé la préférence pour le merlan dans l’expression.

Le regard hébété ou amoureux peut-il agacer ?

Dans la littérature, ce type de regard peut aussi exaspérer ou agacer le observateur, surtout quand il traduit une naïveté ou une fascination démesurée. Plusieurs exemples illustrent cette idée :

  • Des personnages jaloux ou irrités commentent : « Je suis furieux de voir Marguerite vous regarder avec des yeux de merlan frit… Ça me met hors de moi ! »
  • Des scènes où l’on décrit une personne pâlissante face à un regard béat : « Elle a fait des yeux de merlan frit, et je ne peux plus la supporter ».
  • Des expressions de mécontentement ou d’irritation, comme « Réponds-moi, au lieu de faire des yeux de merlan frit ! ».