Signification de l’expression : être une langue de vipère

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Chacun de nous a certainement rencontré une personne désagréable en train de parler derrière notre dos à un moment donné. Pour reprendre une expression célèbre de Jean Racine, mais en se demandant qui sont ces individus qui critiquent sans arrêt ? Pourquoi utiliser la métaphore du serpent pour les décrire ? Entre vérités établies et idées toutes faites, voici une plongée dans ce qui sous-tend cette expression familière.

Qui sont ces personnes qualifiées de “langues de vipère” ?

Ce terme désigne des individus qui prennent plaisir à médire des autres, à faire des commentaires malveillants en leur absence, et à répandre des critiques acerbes. La “langue de vipère” ou “mauvaise langue” désigne des paroles destinées à blesser ou à faire du tort. La vipère est souvent associée à la diffusion de rumeurs non vérifiées, sans signaler leurs origines, dans le but de nuire. Parmi les synonymes, on retrouve critiquer à outrance, calomnier, dénigrer, médire, ou encore cancaner. L’expression “cracher des crapauds” illustre aussi cette idée, évoquant le fait de proférer des paroles infamantes ou injurieuses.

D’où vient cette expression “langue de vipère” ?

L’image de la “langue de vipère” fait allusion à la parole — symbolisée par la “langue” — et à la nature venimeuse du serpent qui lui sert de métaphore. La vipère, par son venin toxique, évoque une personne susceptible de canaliser des mots empoisonnés, destinés à faire du mal. Depuis l’Antiquité, cette image souligne la dangerosité du serpent, capable de tuer ou de paralyser ses ennemis instantanément, un pouvoir largement reconnu dans la culture et la littérature. Par exemple, dans “Nœud de vipères” de François Mauriac, cette métaphore évoque la haine et la rancune dévorant un homme. Actuellement, l’expression sert souvent à décrire un groupe de personnes malintentionnées, ou encore la correspondance de Hervé Bazin, dans “Vipère au poing”, qui raconte ses rapports conflictuels avec une mère acerbe.

La vipère est-elle réellement rusée ?

Qualifier quelqu’un de “langue de vipère” implique aussi une certaine discrétion et une capacité à agir en cachette. La sournoiserie, qui consiste à dissimuler ses véritables intentions, est une caractéristique du serpent. La vipère est souvent perçue comme un animal discret, se dissimulant dans son environnement pendant de longues heures ou se camouflant grâce à sa coloration cryptique. Sa manière de chasser, silencieuse et furtive, la rend également pernicieuse : elle s’approche de sa proie en rampant, sans faire de bruit. Victor Hugo a d’ailleurs écrit que “la langue de la vipère n’est jamais plus venimeuse que lorsqu’elle est enduite de miel”, illustrant ainsi la façon subtile dont certains répandent des ragots en douceur. La symbolique du serpent dans la tradition judéo-chrétienne, avec ses apparences gracieuses et ses paroles séduisantes, est aussi une figure de tentation, comme dans l’histoire d’Ève incitée à dérober le fruit défendu.

Être qualifié de “langue de vipère” : un péché ?

Bien que l’origine exacte de cette expression reste incertaine, une hypothèse la relie au Moyen Âge. À cette époque, ceux qui étaient accusés de parjure ou de blasphème pouvaient subir un châtiment cruel : on leur arrachait la langue à l’aide de pinces et on la clouait sur un billot, puis le bourreau pouvait la tirer brusquement pour la déchirer en deux. La langue ainsi fendue évoquait celle du serpent, fourchue. Certains experts pensent que cette punition aurait donné naissance à l’expression “langue de vipère”. Au sens figuré, une langue fourchue — divisée en deux — symbolise la duplicité ou l’hypocrisie, avec une tendance à mentir ou à dissimuler la vérité.

À quoi sert réellement la langue du serpent ?

Contrairement à certaines idées reçues, la langue bifide du serpent ne sert pas à piquer, mais à détecter les odeurs dans l’environnement. Chaque extrémité possède en effet des capteurs olfactifs, permettant à l’animal de capter des substances volatiles dans l’air ou en surface. Lorsqu’il recueille ces molécules, le serpent rentre sa langue dans sa bouche, où ses branches entrent en contact avec un organe sensoriel appelé organe de Jacobson. Ce récepteur analyse en détail ces odeurs, fournissant au cerveau des informations vitales. Cette faculté olfactive leur permet de traquer leurs proies ou de repérer un partenaire lors de la saison de reproduction.

Comment la vipère injecte-t-elle son venin ?

Il est important de noter que la vipère ne pique pas avec sa langue, mais qu’elle mord avec ses dents venimeuses. Dotée d’un système sophistiqué d’inoculation, elle peut injecter son poison sous pression à l’aide d’un muscle contractant autour de sa glande venimeuse. La pression propulse le venin à travers ses crochets, qui agissent comme de minces aiguilles. Si certains sérums modernes peuvent atténuer gravement les effets du venin, la morsure reste extrêmement douloureuse. Comme on dit souvent : parfois, les mots peuvent aussi faire mal, et dans ce cas, il vaut mieux garder le silence.

Crédit photo : Orchi