Que signifie l’expression ‘se jeter dans la gueule du loup’ ?

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Depuis l’Antiquité, le chien sauvage ou certains mythes populaires le présentent souvent comme une créature sauvage et redoutable, évoquée dans diverses histoires et croyances. Son symbole a alimenté de nombreuses légendes, donnant lieu à des expressions imagées comme “se lancer dans la gueule du loup”. Mais que signifie cette expression ? Dans quels contextes l’emploie-t-on, et quelles en sont ses origines ?

Que veut dire l’expression “se jeter dans la gueule du loup” ?

Utilisée pour décrire une attitude inconsidérée, cette locution évoque le fait de prendre un risque évident ou d’affronter un danger pour des raisons qui, souvent, pourraient être évitées. Agir ainsi, c’est faire preuve d’imprudence, en s’engageant dans une action impulsive qui peut avoir des conséquences négatives. Selon le contexte, cela peut faire référence à tomber dans un piège, se soumettre à un ennemi, ou prendre une décision risquée sans nécessité. Par exemple : « Si on va signaler la situation aux forces de l’ordre maintenant, on se met vraiment en danger. » (extrait de Didier Cohen et Gérard Carré, Qui vous parle de mourir ? 1982). D’autres expressions proches de ce sens existent, comme “se jeter dans la souricière”, “tenter le diable” ou “jouer avec le feu”. Dans différentes langues, on retrouve aussi des versions similaires : “rentrer dans l’antre du lion” en allemand (sich in die Höhle des Löwen begeben) ou “walk into the lion’s den” en anglais.

Pourquoi utilise-t-on l’image “se jeter dans la gueule du loup” ?

Le verbe réfléchi “se jeter” indique une volonté ou une impulsion consciente de l’individu, qui s’emploie pour décrire une démarche délibérée ou impulsive. Celui qui se lance ainsi se met volontairement dans une situation à risque, souvent pour des raisons personnelles. Dans cette expression, le loup symbolise la menace ou le danger imminent. Cette image est renforcée par les caractéristiques du prédateur : un animal à la fourrure sombre, actif principalement la nuit, doté de mâchoires puissantes équipées de crocs acérés, capables de broyer facilement ses victimes. Toute personne s’aventurant au proximité d’un loup courait le risque d’être attaquée. La métaphore évoque donc l’idée de s’exposer volontairement à un péril, dans l’espoir, souvent vain, d’éviter la catastrophe ou de provoquer le danger.

Quelle est la réputation historique du loup ?

La crainte que le loup inspire remonte à plusieurs siècles, et ses origines sont multiples :

  • À l’époque antique, ses attaques contre des bergers, des voyageurs isolés et même des enfants ont été rapportées, notamment par Aristote. Au Moyen Âge, il devient une menace redoutée par les villages, car il s’en prend parfois aux humains lors de ses raids autour des troupeaux, pouvant transmettre la rage. Face à cette menace, des mesures coordonnées furent entreprises, notamment avec la création des louveteries par Charlemagne, en 813. Des professionnels appelés louvetiers étaient alors chargés de traquer et de tuer ces prédateurs avec toutes sortes de moyens, comme pièges, poisons ou armes à feu.
  • Le symbolisme attaché au canidé a aussi alimenté sa mauvaise réputation. Au Moyen Âge, il incarne souvent le Mal, la cruauté et la perfidie, s’attaquant aussi bien aux humains qu’aux animaux, dans l’imaginaire collectif. La religion médiévale opposait souvent l’image de l’agneau, symbole de douceur et d’innocence, à celle du loup, expression de la méchanceté et de la tromperie. Selon saint Ambroise, faire appel au Christ permettait de repousser cette menace symbolique : “Si tu te réfugies dans le Christ, tu mets en fuite le Diable, c’est-à-dire le loup.” La littérature et les contes populaires, de Charles Perrault à La Fontaine et aux frères Grimm, ont encore renforcé cette image bipolaire du loup, associé à la malveillance.

Quel est le point d’origine de l’expression “se jeter dans la gueule du loup” ?

Cette expression remonte au XVe siècle, avec la formule “se jeter en la gueule du loup”. Au fil du temps, elle s’est transformée pour prendre sa forme actuelle. Au XVIIe siècle, l’écrivain Antoine Furetière, dans son Dictionnaire universel (1690), explique que cette tournure désigne le fait d’exposer quelqu’un à un danger manifestement imminent. Il illustre cela avec la phrase : “qui se fait brebis, le loup le mange”, signifiant qu’une personne trop docile ou naïve est susceptible d’être exploitée ou attaquée. Parmi les exemples d’usage de l’expression à cette époque, on trouve des récits où elle décrit le fait d’affronter un péril certain dans une situation concrète : “Nous bondîmes du lit, et voyant ce que le guide nous avait dit, je voulus frapper le pauvre, croyant qu’il nous avait menés droit à la gueule du loup.” (Jean Marteilhe, Mémoires d’un galérien du Roi-Soleil, 1757).

Quand la formule moderne est-elle apparue ?

Au XIXe siècle, la forme réflexive “se mettre à la gueule du loup” s’est généralisée. Selon Émile Littré, dans son Dictionnaire de la langue française (1873), cette expression signifie “s’exposer à un danger imminent”. Plusieurs variantes verbales proches ont été évoquées, telles que “se fourrer”, “se précipiter” ou “se jeter dans la gueule du loup”. La formule a rapidement été adoptée par de nombreux auteurs, illustrée par des citations comme :

  • « Souvent, les voleurs, surpris au mauvais moment, se précipitaient dans la gueule du loup, comme s’ils étaient attirés par leur propre malchance. » (Eugène François Vidocq, Mémoires de Vidocq, 1829)
  • « Même avec une voiture à portée de main, vous n’auriez fait que vous jeter dans la gueule du loup. » (Pierre Benoit, Le Soleil de minuit, 1930)
  • « Pour Giannino, aller en Provence, le territoire de son ennemi, revenait à se jeter dans la gueule du loup. » (Roger Facon, L’Or de Jérusalem, 1989)

Qui a déjà risqué de se jeter dans la gueule du loup ?

Se retrouver face à un loup constitue l’une des plus grandes peurs. Mais parfois, la menace échappe à l’œil inattentif, se présentant sous une apparence trompeuse. La Bible évoque également ce danger avec l’image des “faux prophètes” : « Faites attention aux faux prophètes. Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au dedans ce sont des loups ravisseurs. » (Matthieu). La ruse et la tromperie jouent aussi un rôle central dans de nombreux récits, notamment celui du petit chaperon rouge, qui, croyant à la douceur de sa grand-mère, se jette dans la gueule du loup, symbolisant non seulement le danger extérieur, mais aussi la naïveté face à la tromperie.