Que signifie l’expression ‘monter sur ses grands chevaux’ ?

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Lorsque quelqu’un s’emporte pour défendre ses idées ou exprimer son ressenti, on qualifie cela de monter sur ses grands chevaux. Cette expression a ses racines au Moyen Âge, à l’époque des chevaliers et de leurs montures fidèles.

Que désigne précisément l’expression “monter sur ses grands chevaux” ?

Ce locuteur qui monte sur ses grands chevaux a tendance à réagir de façon dépassant la mesure, en haussant soudainement la voix, en se mettant en colère ou en exprimant son indignation de manière oratoire et parfois agressive. Selon le contexte, cela évoque une attitude fière ou véhément pour défendre un point de vue, défendre ses principes ou se laisser emporter par la passion. Par exemple, dans une situation de confrontation, on pourrait entendre : « Ne vous mettez pas en colère de manière excessive, monsieur Vadois. Je n’ai aucune rancune contre les chasseurs, » illustrant cette idée. (extrait de Paul Sala, Le Savoyard et la Vaudoise, 1973)

L’origine de cette expression

Durant le Moyen Âge, lorsque les combats ou les batailles se déroulaient, les chevaliers utilisaient principalement de grands chevaux de guerre, appelés destriers, pour leur avantage stratégique. Ces destriers, issus du latin dextra signifiant “droit”, étaient sélectionnés pour leur stature imposante afin d’avoir une vision dominante sur l’ennemi. La tradition voulait que l’écuyer tienne son propre cheval à la main gauche tandis que le destrier, plus grand, était manœuvré à la main droite pour les combats. Lorsqu’une bataille éclatait, les chevaliers prenaient place sur leurs grands chevaux pour partir au combat.

Origine historique et date d’apparition

Traditionnellement, monter sur ses grands chevaux évoque la fierté et l’ardeur guerrière, en relation avec l’image du chevalier partant défendre sa patrie. Avec le temps, cette expression a été associée à des réactions impulsives et véhémentes dans le langage courant, dès la fin du XVIe siècle. Un extrait de Molière, dans Sganarelle (1660), illustre cette évolution : « Dessus ses grands chevaux est monté mon courage ; Et si je le rencontre, on verra du carnage. »

Les autres types de montures

À l’époque médiévale, seules les montures de haute stature étaient réservées à la guerre. Cependant, il existait aussi des chevaux de moindre taille : le palefroi pour les cérémonies et les déplacements élégants, le sommier pour le transport de charges ou de bagages, et le destrier, qui était le cheval de combat par excellence, plus puissant et plus imposant.

Une autre origine possible de l’expression

Une théorie alternative remonte au XVIe siècle, lors d’une mode venue d’Italie : celle des souliers à hauts talons rouges, appelés “grands chevaux” par référence à leur taille prodigieuse. Ces chaussures étaient portées par la noblesse à la cour de Versailles. Par la suite, certaines familles nobles qu’on appelait “les Grands chevaux de Lorraine” s’étaient distinguées, tandis que d’autres, moins fortunées, étaient désignées comme “petits chevaux”, désignant leur position sociale inférieure. Certains pensent que cette hiérarchie pourrait avoir alimenté l’usage de l’expression, lui conférant une nuance de fierté ou d’arrogance.

Exemples littéraires illustrant cette expression

De nombreux écrivains et auteurs ont utilisé cette formule dans leurs œuvres à travers les siècles :

  • « Je vous félicite, mon cousin, de ne pas avoir affiché d’orgueil démesuré quand vous vous êtes plaint du maréchal d’Estrées. » (Marie de Rabutin-Chantal, Marquise de Sévigné, lettre du 24 juin 1681) ;
  • « Ce soir, de quels grands chevaux vous êtes donc monté, madame la comtesse ? Après votre froideur tout l’hiver et votre distance, vous m’annoncez votre présence ; je suis profondément enthousiasmé par votre humeur, qui, il faut le dire, est très énergique. » (E. Pinchia, Bluettes) ;
  • « Pourquoi ne montez-vous pas sur vos grands chevaux pour passer un moment agréable avec un jeune homme charmant et des amies joyeuses ? » (Eugène Chavette, Un notaire en fuite, 1881) ;
  • « Pourquoi vous emporter si rapidement, vous regarder avec méfiance, et chercher à tout prix à vous disputer ? » (Ernest Feydeau, Mémoires d’un coulissier, 1882) ;
  • « Il tente encore de grimper sur ses grands chevaux, mais mon calme et mes arguments ont su l’arrêter et calmer ses ardeurs. » (A. Breffort, Mon taxi et moi, 1951) ;
  • « Peu importe le régime en place, mes filles doivent obéir, sinon je m’en irai moi-même, crie leur père en montant sur ses grands chevaux, aidé par sa femme. » (Benoîte et Flora Groult, Journal à quatre mains, 1962).