Lorsqu’on souhaite taquiner quelqu’un qui avance à pas de loup, que ce soit à pied, en voiture ou dans ses activités professionnelles, il est courant d’utiliser la comparaison avec une tortue ou un gastéropode. Même si cet animal est réputé pour sa démarche extrêmement lente, il est intéressant de rappeler qu’il ne possède pas de membres articulés. Comment fonctionne donc sa mobilité sans pattes ? Quelle est la vitesse réelle de ses déplacements ? L’escargot figure-t-il parmi les animaux terrestres les plus lents ? Et si cette caractéristique de lenteur révélait une qualité insoupçonnée ? Ne serait-il pas plus essentiel d’atteindre son but plutôt que de privilégier la rapidité ?
Quelle est la signification de l’expression “avancer comme un escargot” ?
Cette locution, apparue au XXe siècle, décrit une progression à pas lent, une démarche qui privilégie la précaution et la patience. Selon les contextes, on peut aussi entendre des expressions telles que “marcher comme un escargot”, “rouler” ou “se traîner” dans le même sens. Par exemple : “Il se déplace à un rythme si lent qu’il faut bien l’aider à dépasser… » (source : Frank Margerin, Manu. Le danger public, 1994). Une autre tournure animale, “avancer comme une tortue”, partage cette même idée de lenteur.
La lenteur de l’escargot : une source d’inspiration ?
Ce trait distinctif du gastéropode a inspiré diverses expressions et usages. On peut citer notamment l’Opération escargot, une action collective visant à ralentir voire bloquer la circulation routière pour faire entendre une revendication. La patience symbolisée par la lenteur de cette créature a également été évoquée par le poète français Paul Éluard : “Il y a loin de la route aux escargots”, pour signifier que la réalisation d’un projet ou d’un désir peut prendre du temps et nécessiter des efforts considérables. Une expression antique de la Grèce évoque également ce décalage : “Il y a loin de la coupe aux lèvres”, qui désigne l’éloignement temporel entre la conception et l’aboutissement. De même, un proverbe américain conseille de ne pas atteler la charrue à un escargot pour souligner qu’on ne peut attendre des résultats urgents ou improbables de ce qui ne peut l’offrir.
Pourquoi l’escargot évolue-t-il aussi lentement ?
Son mode de déplacement repose sur un muscle massif situé sous son corps, appelé le pied, qui se contracte en ondulation, un mouvement dit de réptation. La progression commence par une contraction à l’arrière du pied, permettant à l’animal d’avancer d’environ un millimètre par seconde. La zone de contraction remonte alors vers l’avant, tandis que l’arrière reste stable, assurant l’ancrage. Par ailleurs, l’escargot sécrète du mucus, une substance visqueuse à la fois lubrifiante et adhésive. Lorsqu’il doit avancer, il libère un liquide glissant, mais en cas de besoin, il produit une couche solide qui colle au support. Grâce à cette cire protectrice, il peut franchir des surfaces abrasives comme des épines ou même des parois verticales, telles que des vitres, où le mucus agit comme une colle résistante.
Avancer comme un escargot : une véritable philosophie ?
Au XIXe siècle, en Angleterre, le prédicateur Charles-Haddon Spurgeon illustrait la valeur de la patience avec cette image : “C’est la persévérance qui a permis à l’escargot de rejoindre l’arche de Noé”. Bien que le dernier à embarquer, l’escargot a quand même atteint son objectif, partageant le même bateau que des animaux bien plus rapides, comme le guépard. Cette notion de progression lente mais sûre fait de lui un symbole de patience. Dans un monde où tout va vite, prendre le temps de réfléchir et d’éviter le stress peut éviter bien des échecs. La philosophie du “Slow life” — vivre à un rythme plus modéré — s’appuie sur cette idée. L’escargot incarne alors un animal totem pour ceux qui cherchent à apprécier la simplicité et à profiter du moment présent. Apprendre à supporter l’attente sans irritation s’acquiert comme une compétence, en observant cette créature matinée de patience et de détermination, avançaant lentement vers son but, étape par étape. Sa lenteur devient alors une leçon précieuse de vertu et de sérénité.
L’escargot, le animal le plus lent de la Terre ?
Ce gastéropode figure parmi les créatures terrestres les plus lentes, mais il n’est pas la plus lente absolue. La tortue caouanne atteint environ 0,040 km/h, tandis que le paresseux à trois doigts se limite à environ 0,020 km/h. La reine de la lenteur est sans conteste la limace, qui ne dépasse pas 0,002 km/h. L’escargot, quant à lui, avance généralement à 0,050 km/h, parcourant entre 4 et 9 mètres par heure selon les spécimens. Lors d’un championnat britannique en 2006, l’escargot le plus rapide a atteint la vitesse impressionnante de 0,0275 m/s, soit près de 99 mètres en une heure. De nombreux pays organisent des courses d’escargots, la France y participant également. La variété la plus utilisée lors de ces compétitions est l’Helix aspersa, un escargot commun en Europe.
À quoi sert réellement de courir, pour un escargot ?
Comme pour l’humour moqueur à l’encontre de la lenteur, l’expression “avancer comme une tortue” évoque aussi une approche de la vie basée sur la régularité plutôt que la rapidité. Célèbre à travers la fable de La Fontaine, cette épopée enseigne qu’en misant sur la patience et la persévérance, on peut remporter même une course apparemment injuste — celle entre le lièvre et la tortue. La morale insiste sur l’importance de “partir à point” plutôt que de se précipiter. C’est une leçon valable pour l’escargot comme pour ceux qui préfèrent prendre leur temps pour atteindre leurs objectifs, en valorisant chaque étape plutôt que la vitesse d’exécution.