Qu’est-ce que signifie l’expression ‘Quand les poules auront des dents’ ?

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La poule, qu’elle soit mouillée, noble ou riche en œufs d’or, apparaît dans de nombreux expressions liées aux animaux. Dans cet article, nous nous concentrerons sur l’expression liée à ses dents : la signification de la phrase “quand les poules auront des dents”, ses origines dans la langue française, ainsi que son lien avec l’oiseau en lui-même. Nous aborderons également comment ces volatiles se nourrissent sans avoir de dents, et, pour les plus curieux, nous évoquerons l’histoire de leurs dents passées, puisqu’elles en ont probablement déjà eu !

Que veut dire l’expression “quand les poules auront des dents” ?

Utilisée dans le registre familier, cette expression équivaut à une façon de dire “jamais”. Elle sert à évoquer une situation qui a peu, voire pas du tout de chances de se réaliser. Même si l’origine précise de cette formule est difficile à retracer, elle semble provenir d’un contexte rural où l’on connaît bien cette espèce d’oiseau et ses particularités, notamment dentaires. Comme d’autres expressions animales, elle symbolise une impossibilité ou une attente irréalisable. La formule est souvent associée à d’autres locutions figurant des événements qui n’arriveront jamais, comme “la semaine des quatre jeudis” ou “ce n’est pas demain la veille”. En voici deux exemples d’usage :

  • “Hé, mon ami, tu peux rêver ou te faire des illusions… Quand les poules auront des dents, peut-être qu’elle sera de ton côté, mais pas avant. En attendant, c’est mort.” (Nonce Casanova, Le journal à Nénesse, 1911) ;
  • “Quand envisages-tu de te marier ? — Quand les poules auront des dents. Et certains y croient.” (Raymond Queneau, Le dimanche de la vie, 1952).

Quel lien existe-t-il entre cette expression et l’animal ?

Pour commencer, il faut préciser qu’à leur naissance, les poules possèdent une petite protubérance dure située sur le haut du bec, appelée “dent de l’œuf”. Elle facilite l’éclatement de la coquille lors de la sortie de l’œuf. Son nom pourrait prêter à confusion, mais il s’agit simplement d’une petite saillie résistante, qui disparaît généralement en quelques jours. En relation avec l’expression, il est intéressant de rappeler que les poules ont un bec, mais pas de dents, et puisqu’elles en auront probablement jamais, cette formule joue avec l’absurde. Elle évoque donc un événement impossible à réaliser. La locution sert souvent à exprimer un doute, une incertitude, ou une idée irréalisable. À l’étranger, certains parlent d’autres imaginaires : “quand les cochons voleront” en Angleterre, “ quand les grenouilles auront des poils” en Espagne, ou encore “quand les poissons apprendront à voler” en Allemagne. La référence à la volaille est spécifiquement propre à la langue française.

Depuis quand cette expression est-elle utilisée ?

Les premiers attestations remontent à la fin du XVIIIe siècle. On la retrouve notamment dans l’ouvrage de Jean-Charles-François Tuet, intitulé Matinées sénonoises ou proverbes français. L’auteur, publié en 1789, évoque cette locution et explique qu’elle, comme d’autres proverbes anciens, était courante chez les Romains. Par exemple, il rapporte que l’expression “renvoyer un homme aux calendes grecques” – signifiant “jamais” – était utilisée de façon familière. Il précise aussi que dans certaines régions, comme chez les Picards, on disait plutôt “quand les poules auront des dents”. Par ailleurs, une variante ancienne, “quand les poules pisseront”, est également mentionnée dans des ouvrages datant du XIXe siècle, dont le Dictionnaire provençal-français de Simon-Jude Honnorat (1846). Dans ce dictionnaire, on explique que l’expression signifie “jamais”, avec une traduction en occitan provençal : “aquot si farà quand las gallinas pissaran”. En 1934, l’écrivain Marcel Aymé illustre aussi cette locution dans son conte Le petit coq noir. Il raconte l’histoire d’un renard qui persuade un jeune coq de vivre dans la forêt où ils seraient enfin protégés des humains. La phrase clé déclare : “Vous n’aurez plus rien à craindre lorsque les poules auront des dents.”

Comment les poules se nourrissent-elles sans dents ?

En l’absence de dents, ces oiseaux n’ont pas besoin de mâcher leur nourriture. Leur régime alimentaire leur convient parfaitement avec leur bec, qui leur sert à saisir leur nourriture. Lorsqu’un aliment est trop gros, elles le frappent contre le sol pour le réduire en morceaux plus petits. Elles avalent ensuite leur repas, qui passe dans leur jabot, une poche située à la base du cou, où la nourriture est stockée avant d’être décomposée dans l’estomac. Dans le gésier, des petites pierres ingérées, appelées grit, contribuent à broyer la nourriture par leur mouvement. La nourriture ainsi préparée descend dans l’intestin grêle, où elle est mélangée aux sucs digestifs pour libérer les nutriments essentiels à la croissance de l’oiseau.

Les poules ont-elles déjà eu des dents ?

Il est aujourd’hui certain que, contrairement à d’autres vertébrés, les oiseaux se caractérisent par l’absence totale de dents ou d’os maxillaires. Leur bec, constitué de deux mandibules recouvertes d’une couche kératinisée, leur sert à diverses fonctions. Selon les scientifiques, il y a environ 110 millions d’années, les ancêtres des poules, comme l’Archéoptéryx, possédaient déjà une denture adaptée à leur alimentation carnée, avec des dents acérées, ainsi que des doigts griffus, témoins d’un passé dino-volatiles.

Pourquoi ont-elles perdu leurs dents ?

La sélection naturelle a permis aux espèces de s’adapter en éliminant les traits devenus inutiles pour la survie. Autrement dit, les caractéristiques qui ne favorisaient pas la prospérité ont disparu au fil du temps. Selon le paléontologue Derek Larson, il y a 70 millions d’années, certains oiseaux avaient encore des dents, tandis que d’autres étaient déjà équipés d’un bec. Parmi les hypothèses expliquant la perte de ces dents, plusieurs théories sont avancées :

  • Certains oiseaux à dents auraient disparu suite à la catastrophe causée par un astéroïde, qui aurait bouleversé leur environnement. Les oiseaux à bec, eux, ont résisté en se nourrissant de graines résistantes au changement climatique ;
  • Le remplacement de la mâchoire lourde et robuste par un bec plus léger aurait permis une meilleure capacité de vol et un échappement plus facile face aux prédateurs ;
  • La diminution du temps d’incubation des œufs, notamment pour éviter la vulnérabilité des embryons en développement, aurait été favorisée par la perte de dents, accélérant ainsi le cycle de reproduction et la protection des jeunes.