Les raisons derrière le surnom ‘Le Castor’ attribué à Simone de Beauvoir

Accueil » Les animaux sauvages » Anecdotes insolites » Les raisons derrière le surnom ‘Le Castor’ attribué à Simone de Beauvoir

Depuis plus d’un demi-siècle, Jean-Paul Sartre signait ses missives à sa compagne Simone de Beauvoir par des expressions tendres telles que “mon tendre Castor” ou “mon charmant Castor”. Ces surnoms, riches en affection, évoquaient une complicité particulière dans leur relation épistolaire. Mais d’où provenait ce nom de rongeur, et que signifiait-il pour la philosophe ? Quelqu’un lui avait-il attribué ce sobriquet en référence à un animal ? La romancière féministe appréciait-elle cette appellation affectueuse ? Voici une plongée dans la correspondance intime de ce couple hors normes.

L’histoire derrière le sobriquet de Castor pour Simone de Beauvoir

Dans ses souvenirs, la philosophe revient sur la genèse de cette identification, qu’elle relie à un jeu de mots mêlant français et anglais. À ses vingt-et-un ans, alors qu’elle poursuit ses études à la Sorbonne, un camarade de classe prénommé René Maheu écrit sur son cahier que “Beauvoir” se traduit par “beaver” en anglais. La prononciation semblable entre Beauvoir et beaver a alors conduit son ami à la surnommer ainsi, soulignant la nature inventive et bâtisseuse du rongeur. La communauté de ses proches se mit à l’appeler “Le Castor” ou tout simplement “Castor”, en référence à la capacité de cet animal à construire des habitats complexes et ingénieux, selon une image qui semblait lui correspondre.

Le lien entre le Castor et Jean-Paul Sartre

En 1927, Simone de Beauvoir décroche son certificat en philosophie, puis sa licence en lettres avec une spécialisation en philosophie en 1928. Deux ans plus tard, elle se classe deuxième à l’examen d’agrégation, juste derrière Sartre. Dès cette rencontre, leur relation, initialement académique, se transforme en une liaison intellectuelle et sentimentale qui durera plus de cinquante ans. Dans ses nombreux courriers, Sartre utilise régulièrement le surnom de “Castor” pour s’adresser à sa muse, illustrant une affection profonde. En 1930, il écrit : “Mon tendre Castor, voici un petit mot plein de tendresse, sans autre but que de vous dire que je vous aime de tout mon être.”

Les raisons pour lesquelles Simone de Beauvoir aimait son surnom

Comprendre l’attachement de Beauvoir à ce nom revient à observer la vie du castor — un animal reconnu pour son ingéniosité en tant qu’architecte de son environnement. Semi-aquatique, il bâtit des barrages, creuse des tunnels et édifie des huttes ou des terriers pour sa famille, adaptant son environnement avec précision pour assurer sa survie. Si le lieu de vie est peu profond ou que le débit de la rivière fluctue, il construit un barrage en aval pour réguler la hauteur de l’eau. La tâche, demandant force, patience et ingéniosité, reflétait pour Beauvoir une image de force créatrice qu’elle trouvait admirable. L’analogie entre sa personnalité et cette construction symbolisait pour elle une capacité à façonner son univers de manière déterminée.

Les lettres à Castor : un aperçu de leur vie sentimentale et intellectuelle

En 1974, Sartre expliquait que ses lettres à Beauvoir représentaient une transcription de leur vie quotidienne, une sorte de témoignage spontané de leur vécu commun. Il évoquait aussi son souhait de voir ces lettres publiées un jour, croyant qu’elles constitueraient une trace sincère de son expérience de vie. Ces correspondances plongeaient au cœur de leur relation unique, abordant des thèmes variés comme la philosophie, la politique, leur quotidien ou encore la vie en Allemagne durant la guerre, où Sartre était prisonnier. Après la mort de Sartre en 1980, Beauvoir rassembla une sélection de ces échanges dans un ouvrage en deux tomes intitulé “Lettres au Castor et à d’autres”.

Pourquoi évoquer “et à d’autres” dans le titre ?

Leur rencontre remonte à la rentrée de 1929, sur les bancs de la faculté, et leur relation s’est bâtie autour d’un échange intense de lettres. Sartre, passionné, aimait signer ses courriels affectueusement, déclarant : “Mon charmant Castor, tes lettres me touchent profondément. Je les relis souvent, et elles réchauffent mon cœur.” Cependant, Sartre n’était pas exclusivement fidèle — il entretenait d’autres relations amoureuses, parfois désignées par des noms de code. Parmi celles-ci figuraient des comédiennes telles que Simone Jolivet, surnommée Toulouse, Wanda Kosakiewicz (Tania) ou Olga Kosakiewicz (Zazoulich). La philosophe Bianca Lamblin était aussi dans ses pensées, sous le nom de Louise Védrine. Ces correspondances révélaient un homme sensible mais également séducteur, prêt à multiplier ses liaisons.

Les lettres à Castor : une source de scandale et de révélations

Au début de leur idylle, Sartre confiait que leur amour était “nécessaire”, tout en précisant qu’il pouvait aussi vivre d’autres passions, à condition de rester honnête. La transparence étant leur règle, ils s’engageaient à ne rien se cacher. Quand leurs lettres furent publiées en 1983 et 1986, elles choquèrent le public, car Sartre y décrivait en détails ses relations amoureuses et sexuelles. Leur relation libre, à une époque où de telles unions étaient encore mal vues, prit une tournure audacieuse. La publication de ces lettres, souvent considérées comme un document de révélation, suscita des réactions vives et un certain scandale. Beauvoir, qui avait conservé de son côté des lettres non envoyées à Sartre, donna également à voir un aspect plus complexe de leur relation dans “Lettres à Sartre”, dévoilant des manœuvres pour préserver sa place dans leur amour partagé, ce qui conférait à leur histoire une dimension de “Liaisons dangereuses”.