Les larmes de crocodile : une légende ou une réalité ?

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Depuis l’Antiquité, on évoque déjà l’expression des « larmes de crocodile ». Ce reptile, doté de la mâchoire la plus puissante du règne animal, est capable de s’attaquer à des mammifères de grande taille comme le bison ou le buffle. En raison de sa nature carnivore et de sa mauvaise réputation de féroce chasseur, on pourrait penser qu’il n’éprouve aucune émotion sincère. Cependant, derrière sa carapace ancestral, se cache-t-il une sensibilité qu’on ne voit pas ? La question de savoir si ses larmes sont réellement le reflet d’une tristesse ou d’une hypocrisie s’inscrit dans un mélange de mythe et de réalité.

Signification de l’expression “larmes de crocodile”

Quand on parle de pleurer des « larmes de crocodile », on fait référence à un comportement déguisé, souvent hypocrite, destiné à susciter la compassion ou à manipuler. Cela désigne quelqu’un qui feint de partager une douleur ou un chagrin pour obtenir une faveur ou du mépris. La personne concernée donnerait l’illusion d’être profondément affectée, alors qu’en réalité, elle masquerait son insensibilité. La véritable capacité du crocodile à exprimer une véritable émotion de tristesse demeure une question ouverte : est-ce qu’il peut réellement montrer un sentiment authentique ou son apparence de douleur n’est-elle qu’une mise en scène ?

Les crocodiles du Nil : de légendes à la réalité

Le crocodile du Nil, dont la taille peut atteindre 6 mètres et le poids dépasser une tonne, est considéré comme l’un des plus grands reptiles du monde. Sa présence dans les territoires de l’Égypte ancienne a alimenté de nombreuses histoires mythiques. L’une des légendes célèbres de l’Antiquité raconte que ce prédateur utilisait une ruse pour capturer ses victimes : en simulant la tristesse et en gémissant, il attirait les animaux ou les humains sensibles, qui s’approchaient pour comprendre ses lamentations. Profitant de leur confiance, le crocodile ouvrait alors sa mâchoire pour dévorer ses proies ébahies et vulnérables.

Les premières traces de la expression et son origine

Au Ier siècle, un adage attribué à Plutarque évoque une figure hypocrite qui, tout en souhaitant la mort de quelqu’un, trempe ses yeux de fausses larmes pour donner le change. La première utilisation de cette image dans le sens que l’on connaît actuellement apparaît au IVe siècle dans un discours d’Asterios le Sophiste. Il recommande aux chrétiens durant le carême d’imiter un crocodile repenti : ils doivent faire semblant de pleurer sur leurs péchés comme le prétendaient faire les crocodiles du Nil, qui, en se lamentant, témoigneraient à leur goût une forme de repentance sincère ou simulée à leur manière.

L’évocation du crocodile dans la littérature et la poésie

Au XIVe siècle, un poème en vers latins aurait été écrit par un certain Pamphile-Maurilien, dans lequel la métaphore du crocodile versant des larmes est utilisée pour exprimer une double face : d’un côté, l’affection ou l’amour, et de l’autre, la menace ou la dangerosité. À cette époque, on disait « larmes de cocodrille », une expression dérivée du bas-latin cocodrillus, qui a évolué vers le mot français « crocodile ». La symbolique de cet animal a été reprise dans les bestiaires médiévaux, où il était décrit comme un animal qui pleure après avoir attaqué ou dévoré sa victime.

la capacité réelle des crocodiles à pleurer

Au-delà des légendes, la question de savoir si les crocodiles peuvent réellement verser des larmes trouve des éléments de réponse dans la science. Ces reptiles disposent de glandes lacrymales qui servent principalement à humidifier leurs yeux lors de leurs activités hors de l’eau ou en cas de sécheresse oculaire. Il a aussi été observé que ces animaux produisent des larmes durant leur alimentation, phénomène qui n’est pas dû à une tristesse mais à une réaction physiologique. Des études ont montré que leurs glandes lacrymales sont connectées à des circuits nerveux similaires à ceux de leurs glandes salivaires, ce qui explique que la production lacrymale peut coïncider avec la salivation lors du repas.

le vrai ou faux des larmes de crocodile

Contrairement à la légende d’un crocodile qui pleure de tristesse, cette réaction est en réalité un phénomène physiologique sans lien avec l’émotion. De plus, ce comportement ne concerne qu’un type précis de crocodiliens : l’alligator américain, dont la morphologie des mâchoires exerce une pression particulière sur les glandes lacrymales. En médecine humaine, le « syndrome des larmes de crocodile » désigne une condition appelée « réflexe gusto-lacrymal ». Ce trouble se manifeste par une production anormalement abondante de larmes lors de la mastication, causée par une confusion des nerfs qui commandent normalement la salivation et la production lacrymale.

Les larmes de crocodile : source d’inspiration et de réflexion

Que cette expression provienne de légendes anciennes ou d’observations physiologiques, elle reste emblématique. Histoire comme mythe, le crocodile incarne une figure de puissance, de danger et de duplicité qui a nourri la littérature et la poésie à travers les siècles. Dès le XVIe siècle, Shakespeare évoquait dans « Othello » la cruauté et l’hypocrisie en déclarant : « O démon ! Démon ! Si les pleurs d’une femme pouvaient faire pousser la terre, chaque larme qu’elle verse alimenterait un crocodile ! » Plus récemment, dans les vers du poète français Jacques Charpentreau, le crocodile est aussi associé à la douleur, à la tristesse et à une forme de sensibilité mêlée de danger.