Le Tardigrade : un microanimal aux capacités exceptionnelles

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Invisible sans l’aide d’un microscope, le tardigrade est un sujet d’intérêt majeur pour la communauté scientifique en raison de sa capacité exceptionnelle à résister à des conditions extrêmes. Que ce soit face à des températures très basses ou très élevées, à la déshydratation, aux radiations ou même au vide de l’espace, cet organisme miniature parvient à survivre à des environnements hostiles qui tueraient la majorité des autres formes de vie. Il s’agit d’un micro-organisme qui combine une puissance étonnante à une taille infime, ce qui en fait un véritable maître dans la résistance biologique.

Le tardigrade, un survivant vieux de plusieurs siècles

Présent sur notre planète depuis plus de 540 millions d’années, le tardigrade a précédé l’ère des dinosaures. Aujourd’hui, des chercheurs ont recensé près de 1300 variétés évoluant aussi bien sur terre que dans les milieux aquatiques, mais il pourrait bien en exister le double encore à découvrir. Classé parmi les panarthropodes, ce petit invertébré a été formellement identifié pour la première fois en 1773 par Johann August Ephraim Goeze. Son nom latin, qui signifie « marcher lentement », lui a été donné en raison de sa démarche hésitante. Souvent surnommé « ourson d’eau », il appartient à la catégorie des organismes extrêmophiles, capables de survivre dans des environnements très difficiles, bien que chaque espèce ait ses propres limites de résistance.

Tardigrade : un animal à l’endurance hors norme

Ce petit être d’un millimètre à peine, doté d’une apparence ressemblant à celle d’un ourson, possède un corps segmenté protégé par une couche extérieure, la cuticule. Chacune de ses quatre sections possède deux petites pattes griffues mais non articulées. Résidant dans une grande variété d’endroits à travers le monde, le tardigrade fréquente des climats très divers, allant des sommets himalayens à plus de 6000 mètres d’altitude, aux profondeurs abyssales des océans à 4000 mètres sous la surface. Il se plaît à vivre dans des milieux riches en mousses et en lichens — qu’il se nourrit de manière variée : certains préfèrent les algues, d’autres petits vers ou de minuscules organismes aquatiques.

La résistance quasi-inaccessible du tardigrade

Les scientifiques ont découvert que le secret de la ténacité du tardigrade réside dans une protéine particulière, appelée TDP (protéine intrinsèquement désordonnée). Cette molécule constitue une sorte de verre qui vitrifie ses composants cellulaires, évitant ainsi leur dégradation lors des conditions extrêmes. Lorsqu’il se met en état de cryptobiose, le micro-organisme se rétracte et élimine presque toute son eau, la remplaçant par un sucre adapté. Sa vitalité est ainsi réduite à une fraction minuscule, permettant à ses cellules de rester en suspension dans un état cristallin. La réhydratation est la seule étape qui lui permet de retrouver son fonctionnement normal, en réparant son ADN endommagé et en sortant de cet état léthargique.

Les capacités spectaculaires du tardigrade

Ce microanimal peut, lorsqu’il est en cryptobiose, faire face à une variété d’épreuves que l’on pense invincibles :

  • Choc thermique extrême. Il peut survivre plusieurs jours à des températures proches du zéro absolu, c’est-à-dire -273,15 °C, où le mouvement moléculaire s’arrête complètement. Certains tardigrades découverts dans des glaces anciennes, enfermer depuis deux millénaires, ont repris vie après leur extraction. Leur tolérance est tout aussi impressionnante face à la chaleur : ils supportent environ 30 minutes à 150 °C, des conditions qui tueraient tout autre organisme.
  • Résistance à la déshydratation. Lors d’un dryness extrême, ils peuvent presque se dessécher totalement, ne conservant qu’un pourcentage infime d’eau, parfois moins de 1 %, et survivre. Cette capacité leur permet de coloniser des habitats arides, comme certains déserts du globe.
  • Résistance aux radiations. Leur tolérance aux rayons X ou ultraviolet dépasse largement celle de nombreux organismes : ils peuvent encaisser des doses de radiation des centaines de milliers de rads, bien au-delà du seuil létal pour l’humain. Ce bouclier résistant est dû à une protéine, Dsup, qui protège leur ADN en formant une sorte de bouclier contre les dommages.
  • Affrontement face au vide spatial et à la pression. En 2007, des œufs d’oursons d’eau ont été envoyés dans l’espace, à 270 km d’altitude, et ont survécu à l’exposition prolongée au vide et à la radiation. Ils ont pu se réveiller et démarrer une nouvelle vie après leur retour. En outre, ces organismes supportent une pression extrême, jusqu’à 600 mégapascals, soit quatre fois la pression au fond de l’océan.
  • Résistance aux toxines. Des expérimentations ont montré que certains tardigrades peuvent supporter des solutions très concentrées en cyanure de méthyle, un solvant très toxique. Leur réponse particulière à ces substances est attribuée à une réaction immunitaire spécifique, la chimiobiose.
  • Tolérance à la salinité élevée. En présence de milieux très salins, ces organismes régulent leur osmolarité et se gonflent, étant ainsi à l’abri de la déshydratation ou de l’intoxication par les sels.

Le tardigrade, un modèle pour l’innovation biomédicale

Les espèces de tardigrades aquatiques vivent généralement entre 1 et 2 ans, tandis que leurs homologues terrestres peuvent atteindre jusqu’à 30 mois. Toutefois, lorsqu’ils entrent en cryptobiose, leur durée de survie peut s’étendre bien au-delà, atteignant parfois plus de neuf ans en laboratoire. Les découvertes sur ses mécanismes de résistance suscitent un réel engouement chez les chercheurs. Les protéines TDP et Dsup, extraites de ces animaux, commencent à faire l’objet de productions in vitro pour explorer de nouvelles pistes dans la protection des cellules humaines contre la déshydratation ou l’exposition aux rayonnements.

Crédit photo : Goldstein lab