Au cours du XIXe siècle, les scientifiques ont commencé à s’interroger sur la possibilité que certains animaux puissent se suicider. Certains éthologues ont rapporté divers exemples d’animaux qui auraient mis fin à leurs jours, tandis que d’autres spécialistes soulignent que la conscience de soi serait une condition essentielle pour agir de façon intentionnelle en ce sens. Baleines, lemmings, vaches, sauterelles, chiens, rats ou encore chimpanzés – sont-ils capables de prendre conscience de leurs actes ? À travers des observations précises de comportements autodestructeurs, il apparaît que le sujet du suicide chez les animaux continue de diviser le monde scientifique à notre époque.
Qu’est-ce que le suicide ?
Le terme de suicide désigne l’action délibérée d’interrompre sa propre vie. Cet acte résulte souvent d’un état mental complexe, comme la dépression ou le découragement profond. La question se pose alors : les animaux peuvent-ils éprouver de tels états émotionnels ? De plus, pour qu’un acte soit qualifié de suicide, il faut qu’il soit intentionnel, c’est-à-dire motivé par une conscience de soi permettant d’envisager cette issue comme réponse à une situation que l’individu perçoit comme insurmontable. La capacité cognitive qui sous-tend cette intentionnalité est-elle présente chez les animaux ? Voilà la problématique que nous allons explorer dans cet article.
Les animaux peuvent-ils s’autodétruire ?
Depuis l’époque victorienne, la possibilité que certains animaux puissent se donner la mort a alimenté la curiosité scientifique. Déjà en 1845, le journal Illustrated London News évoquait le cas d’un chien Terre-Neuve qui, à plusieurs reprises, s’était jeté en mer, en maintenant sa tête sous l’eau pendant plusieurs minutes, sans contrainte extérieure. Ce chien semblait s’efforcer à se noyer, même lorsqu’il était secouru, et persistait dans cette tentative jusqu’à la fatalité. Par ailleurs, il y a des témoignages racontant que certains animaux, comme des chiens ou des chevaux, manifestent un chagrin profond après la perte d’un maître ou d’un compagnon. Des baleines, des poissons rouges ou des petits rongeurs ont aussi été observés dans des comportements pouvant évoquer une forme de désespoir ou de réaction désordonnée. Certains chercheurs voient dans ces actes des preuves d’un suicide possible, quand d’autres y voient des réactions instinctives ou des réponses à un stress ou à une pathologie.
La conscience de soi chez les animaux
La distinction essentielle avec l’humain réside dans la capacité à agir de manière intentionnelle et consciente dans des situations extrêmes. Pour qu’un animal se donne la mort, il lui faudrait avoir conscience de son existence, de son environnement et de la finalité de ses actes. Aujourd’hui, certaines espèces, telles que les dauphins, les éléphants ou certains singes, démontrent qu’ils peuvent se reconnaître dans un miroir, ce qui indique une forme de conscience de soi. D’autres comportements, comme les simulations de jeux ou la dissimulation de nourriture par des primates, suggèrent qu’ils sont capables d’imaginer un monde différent du leur et d’anticiper les conséquences de leurs actes. Cela laisse penser que certains animaux pourraient, dans une certaine mesure, posséder une conscience qui pourrait, théoriquement, inclure la reconnaissance de leur finitude, mais cela reste sujet à debate.
Ressentent-ils la tristesse ?
Il est évident que de nombreux animaux sont capables d’établir des relations sociales complexes, de jalouser ou de manifester des émotions variées, y compris la joie. La sensibilité à la tristesse n’est donc pas exclue. Des études montrent que les espèces sociales, telles que les primates, les éléphants, les dauphins, ou même certains chiens et chats, peuvent manifester des signes de détresse émotionnelle dans des moments difficiles. Par exemple, une baleine à bosse peut rester près de son jeune mort pendant plusieurs heures ; un éléphant malade sera entouré par ses congénères qui lui témoignent leur sollicitude, et leur comportement change si l’un d’eux décède. En captivité, des orques ou des oiseaux comme les perroquets peuvent développer des troubles mentaux ou s’automutiler, traduisant une détresse profonde. La tristesse se manifeste souvent par le retrait, la prostration ou la perte d’intérêt pour l’environnement. Des recherches indiquent également que certains animaux, comme les rats, font preuve d’empathie : ils sont prêts à aider un congénère affamé, même sans obtenir de récompense eux-mêmes, illustrant une capacité à ressentir la douleur ou le chagrin d’autrui.
Quelles telles histoires de “suicide” ?
De nombreux récits de comportements autodestructeurs alimentent le débat scientifique sur la question du suicide animal. Voici quelques exemples représentatifs :
Les lemmings et leur saut de falaise
Depuis plusieurs siècles, on observe en Scandinavie un phénomène cyclique où des petits rongeurs, appelés lemmings, se retrouvent en haut de falaises avant de se précipiter dans l’eau en masse. Pendant longtemps, la légende voulait qu’ils le fassent volontairement pour se donner la mort. Cependant, la recherche moderne propose une autre explication : lors de périodes d’euphorie démographique, ces animaux tentent d’échapper à une hausse de leurs prédateurs, tels que les hermines ou les renards, qui se raréfient ensuite. Leur saut est donc plutôt une réaction de survie mal dirigée, ou un réflexe de fuite, plutôt qu’un véritable acte suicidaire.
Les bovins qui sautent dans le vide
En 2009, dans les Alpes suisses, un phénomène étrange s’est produit : plusieurs vaches se sont jetées d’une falaise abrupte, causant leur mort en contrebas. Ce comportement a surpris les habitants et la police, car ces animaux, ayant grandi en montagne, sont généralement capables d’évaluer le danger. Certains attribuent ces actes à une réaction liée à des tempêtes ou à des événements météorologiques stressants, provoquant une panique collective chez les bêtes.
Parasites et comportement autodestructeur
- Les rats et le Toxoplasma gondii. Ce parasite modifie le comportement de ses hôtes, notamment en attirant certains rats vers des félins, leur hôte final. Les rats infectés privilégient l’approche du chat, s’exposant ainsi à leur prédation, ce qui leur cause leur mort prématurée. Par cette stratégie, le parasite favorise sa reproduction dans le corps du chat.
- Les sauterelles et grillons parasites. Le parasite Spinochordodes tellinii se développe dans certains insectes comme les sauterelles et les grillons. Lorsque l’infection atteint sa maturité, il pousse l’hôte à sauter dans l’eau, où il meurt, permettant au parasite de se reproduire dans un environnement aquatique idéal.
En conclusion : le vrai sens du comportement autodestructeur chez les animaux
Si certains comportements d’autodestruction chez les animaux peuvent évoquer une forme de détresse ou de désespoir, leur attribuer un acte de suicide conscient revient à supposer qu’ils ont une conscience suffisamment élaborée pour prendre une telle décision. La majorité des scientifiques tendent à penser que les animaux, même lorsqu’ils manifestent des comportements extrêmes, agissent sous influence de réactions instinctives, de réactions face à des stimuli de danger ou à des troubles physiologiques. En l’absence de preuves solides, on préfère qualifier ces actes d’autodestruction ou de réactions instinctives plutôt que de suicide conscient. Les circonstances mystérieuses où certains animaux semblent se donner volontairement la mort restent difficiles à interpréter avec certitude, et la strongly conclusion est que, pour l’instant, ces comportements relèvent davantage de réflexes ou de réactions physiologiques qu’un désir délibéré de mourir.