La couleur rouge fait-elle vraiment peur aux taureaux ? Démythifier le mythe

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Les représentations populaires ont souvent laissé croire que les taureaux sont attirés ou irrités par la couleur rouge, notamment dans le contexte de la corrida. Cependant, il est rare que ces animaux soient exposés à cette couleur lors de leurs entraînements ou dans leur environnement naturel. De plus, les matadors ne se limitent pas à utiliser des capes rouges : ils peuvent aussi employer des tissus de nuances roses, fuschia ou même jaunes, selon la phase du combat. Mais qu’en est-il réellement de la capacité des taureaux à percevoir et réagir aux différentes couleurs ?

La perception visuelle des taureaux

Pour comprendre comment un taureau voit le monde, il faut examiner la structure de ses yeux. Comme chez la plupart des vertébrés, la rétine contient deux types de cellules sensorilles : des bâtonnets, sensibles à la luminosité, et des cônes, responsables de la perception des couleurs. La manière dont un animal perçoit son environnement dépend de l’adaptation de ces cellules à son habitat naturel, à ses comportements, et à ses autres sens. Chez les animaux comme le chien ou le chat, cette adaptation leur confère une excellente vision nocturne, mais leur palette couleur est limitée. Ils ne possèdent que deux types de cônes, ce qui les rend dichromates, capables de distinguer principalement le bleu et le vert. La perception des autres couleurs, notamment le rouge, est donc indirecte : ces nuances sont traduites en shades de bleu ou de vert selon la stimulation des cônes. Un phénomène similaire se produit chez les personnes daltoniennes, qui confondent souvent le rouge et le vert. En résumé, bien que les taureaux perçoivent facilement les couleurs vives, ils n’accordent que peu d’importance à la couleur rouge spécifique.

De là découle une question : qu’est-ce qui déclenche la colère chez ces animaux ? Et pourquoi le rouge est-il si prédominant dans l’univers de la corrida ?

Qu’est-ce qui provoque la colère chez les taureaux ?

Certains élevages spécialisés produisent des taureaux de combat, principalement de race espagnole. Parmi eux, les animaux issus de l’élevage Miura se distinguent par leur tempérament nerveux et leur puissance remarquable, ce qui en fait des adversaires redoutables pour les toreros. Leur musculature développée, leur morphologie élancée, ainsi que leur bravoure légendaire, leur ont valu une réputation de dangerosité. Cette race a été fondée à Séville en 1842 par Juan Miura, par le croisement de vaches Gil de Herrera et d’autres races espagnoles. Leur impulsivité et leur bravoure ont souvent conduit à des incidents graves lors des corridas, mettant en danger la vie des participants. La sélection génétique de ces taureaux vise à répondre aux attentes du public en termes de dynamisme, de force de charge et de combat. Depuis des siècles, cette pratique inclut des tests réguliers pour identifier les veaux les plus prometteurs, en conservant leur nature belliqueuse ou en castrant ceux jugés peu aptes, pour en faire des animaux de boucherie.

Mais au-delà de ces élevages, il faut savoir que le taureau, par nature, est un animal impulsif. Depuis des millénaires, il est considéré comme un symbole de puissance et de virilité, tout en étant reconnu pour sa tendance à s’emporter. Dans l’Antiquité, sa réputation de « voir rouge » est associée à sa capacité à manifester rapidement son agitation. La tradition chrétienne a souvent dépeint le taureau comme une créature diabolique, renforçant cette image. Au Moyen Âge, sa vigueur sexuelle et sa force brute sont valorisées, jusqu’à la fabrication de remèdes issus de ses testicules séchés. Aujourd’hui, la taurine, un dérivé de deux acides aminés soufrés que l’on trouve dans la bile de taureau, est utilisée dans certains compléments énergétiques, témoignant de cette fascination. Un taureau castré, baptisé bœuf, symbolise la patience, la docilité et la force tranquille. On le retrouve dans plusieurs représentations religieuses, notamment à la Nativité, où il veille sur l’Enfant avec patience et douceur.

Il est aussi important de noter que l’attitude du taureau en arène est fortement influencée par les gestes du matador. Une expérience réalisée avec des étudiants a démontré que, lorsqu’immobile dans une arène, un petit taureau se contente de se déplacer en évitant simplement les personnes présentes. Il réagit essentiellement à la provocation, montrant qu’il n’est motivé que par une stimulation extérieure.

Pourquoi la cape rouge est-elle utilisée dans la tauromachie ?

À l’origine, la cape utilisée par le torero, appelée lienzo, était un simple morceau de tissu de couleur naturelle ou teinte, en lin, chanvre ou coton. Son objectif principal était pratique : permettre au combattant de se protéger en couvrant la tête du taureau, pour se mettre à l’abri d’une charge dangereuse. Au fil du temps, cette cape a évolué vers la muleta, un tissu en serge rouge monté sur un bâton, spécialement conçu pour la phase finale du combat. La couleur rouge a été adoptée pour des raisons de praticité : elle masque mieux les traces de sang, facilitant le nettoyage et la réutilisation. Contrairement à la cape rose ou jaune utilisée lors des premières phases du combat par les peones, la muleta en rouge devient l’arme emblématique du matador lors de la faena, cette phase clé où l’artiste lutte contre l’animal. La couleur n’est donc pas choisie pour provoquer ou irriter le taureau, mais pour des raisons de gestion pratique et d’esthétique. Le rouge est ainsi devenu une convention, une tradition, inscrite dans l’histoire de la tauromachie, sans relation directe avec la perception des couleurs par l’animal.