L’expression « se nourrir de la vache enragée » est une locution familière, peu couramment utilisée dans la vie quotidienne, mais fréquemment rencontrée dans la littérature. Il est intéressant de décrypter cette formule relativement récente, dont l’interprétation erronée peut parfois prêter à confusion.
La vraie signification de “se nourrir de la vache enragée”
Originant du langage populaire, cette expression évoque une période de privations sévères, lorsque l’on vit dans la pauvreté ou dans la précarité. Elle illustre une existence marquée par des difficultés économiques, où la subsistance devient un combat quotidien. Par exemple, dans une œuvre d’Émile Zola, un personnage qui traverse une période de grande pauvreté chez un proche voit finalement une amélioration de sa situation. Une expression similaire, à peu près équivalente dans le sens, est « tirer le diable par la queue », qui désigne également une lutte pour joindre les deux bouts.
La confusion autour de l’expression et la notion de rage
Avant de poursuivre, il est utile d’éclaircir ce que signifie le terme « rage ». Maladie contagieuse, la rage est virale et entraîne des troubles neurologiques chez tous les mammifères, y compris les humains. Elle se manifeste par des symptômes tels que spasmes, agitation, confusion, anxiété ou hallucinations. De nos jours, certains interprètent à tort l’expression « manger de la vache enragée » pour désigner une personne énervée, agitée ou colérique, sans connaître son origine réelle. Ce décalage dans la compréhension entraîne une utilisation incorrecte, associant à la maladie une description de comportements nerveux.
Traverser une période de vaches maigres
Comme mentionné, l’expression évoque aussi une phase de grande pauvreté ou de nécessité. Lorsqu’une personne traverse un épisode de disette, on parle souvent en parallèle d’être « en période de vaches maigres ». La métaphore bovine trouve son origine dans un récit biblique, où deux périodes de sept ans symbolisaient respectivement un temps d’abondance avec des vaches grasses, puis une période de famine lors des vaches maigres. Le récit prône la sagesse de stocker durant les bonnes années pour survivre aux périodes difficiles.
Origine historique de l’expression
La formule apparaît pour la première fois dans la littérature au début du XVIIe siècle, vers 1610, dans un contexte où elle désignait la lutte pour survivre dans la pauvreté. La locution aurait émergé d’un mélange entre deux expressions plus anciennes : « mener une vie enragée » et « manger de la vache malade ». À l’époque, ceux qui vivaient dans la misère devaient se contenter de restes ou de viande issue d’animaux malades, comme la vache enragée, par nécessité ou par habitude.
Quand les écrivains évoquent la vache enragée
La formule a été fréquemment reprise dans la littérature, notamment au XIXe siècle, lors où la misère urbaine et ouvrière devient un sujet central. L’école du réalisme cherche à dépeindre la réalité sans idéalisation, en racontant notamment la pauvreté extrême. Parmi les citations de cette période, on trouve des références à la nécessité de vivre dans la disette, ou à la difficulté de survivre au jour le jour, en utilisant l’image de la vache enragée.
La vache enragée dans la culture populaire
Au fil du temps, cette expression a également été utilisée dans d’autres contextes. En 1896-1897, une manifestation appelée « La Promenade de la Vache enragée » a eu lieu dans les rues de Montmartre, organisée par des artistes et des populations défavorisées pour se moquer de la pompe du carnaval parisien du Bœuf Gras. Ce cortège avait un aspect festif, symbole de rébellion contre les dépenses excessives et l’opulence. Bien que cette manifestation n’ait duré que deux éditions en raison de son coût, elle a marqué l’histoire locale, avec des défilés à thèmes humoristiques et provocateurs lors des célébrations suivantes, en 2015 notamment, où la tradition a été ravivée de façon plus débridée.