Compter des animaux imaginaires pour sombrer dans le sommeil est une pratique qui traverse les cultures et les époques. Dans cet article, nous explorerons cette méthode qui consiste à focaliser son attention sur un seul élément, à calmer l’esprit et à faciliter l’endormissement. Nous analyserons également pourquoi cette technique, centrée sur les moutons, semble plus efficace que d’autres animaux comme la vache ou le cochon. Enfin, nous examinerons si la science confirme ou non la validité de cette approche.
Que représente l’expression « compter les moutons » ?
Le principe derrière cette expression repose sur une technique de visualisation mentale visant à induire le sommeil. Il s’agit d’imaginer un groupe de moutons bondissant par-dessus une barrière, puis de les compter un à un lorsque l’endormissement se fait attendre. La répétition de cette image simple aurait pour but de détourner l’esprit des pensées stressantes ou envahissantes. La symbolique du mouton, souvent associée à la tranquillité, explique sa présence dans cette expression. Cette image a été adoptée dans de nombreuses langues : en anglais « counting sheep », en espagnol « contar ovejas », en allemand « schafe zählen », en italien « contare le pecore » ou en portugais « contar carneirinhos ». Voici trois exemples tirés de grands classiques de la littérature :
- « Grand-père Joe était tellement excité à l’idée de voir la chocolaterie qu’il n’arrivait pas à dormir. Il tentait de compter les moutons, mais à la place, ce sont des barres de chocolat qui sautaient par-dessus la clôture ! » (Roald Dahl, Charlie et la chocolaterie, 1964) ;
- « J’ai réfléchi à cette image de personnes comptant des moutons pour s’endormir. Je me demandais comment cela pouvait fonctionner, et finalement, j’ai dû attendre que le sommeil vienne. » (Albert Camus, L’Étranger, 1942) ;
- « J’ai même essayé de compter mentalement les planches du plafond, espérant que cette monotonie finirait par me fatiguer, mais rien n’y fit. » (Herman Melville, Moby Dick, 1851).
Depuis quand cette idée de compter les moutons est-elle apparue ?
Les origines de cette pratique remontent au Moyen Âge. Selon certaines sources, les bergers britanniques avaient pour habitude de compter leurs moutons chaque soir pour s’aider à trouver le sommeil. La première mention connue se trouve dans le recueil de contes Disciplina Clericalis, écrit en latin au XIIe siècle par Petrus Alphonsi. Ce dernier, qui puisait dans la tradition orale et écrite orientale, a raconté une fable dans laquelle un berger traverse une rivière à la nage avec son troupeau. Malgré la crue, les moutons sautent un à un de l’autre côté, illustrant une méthode qui pourrait, dit-on, aider à se calmer et à s’endormir. Cette image de comptage animal a été reprise au XVIIe siècle par Miguel de Cervantes dans son célèbre roman Don Quichotte.
D’où provient l’expression « compter les moutons » ?
Bien que son origine précise reste floue, plusieurs pistes permettent d’en saisir la signification :
Pratiques pastorales traditionnelles
Dans les régions rurales, la surveillance des troupeaux représentait une tâche répétitive. La monotonie de cette activité pouvait produire un effet apaisant, voire hypnotique, facilitant l’endormissement des bergers ou des paysans à leur retour chez eux.
Interprétations littéraires
La conception de compter des objets ou des êtres pour se calmer se retrouve dans la littérature ancienne. Déjà évoquée dans Don Quichotte, cette idée a été popularisée par la représentation de pratiques visant à favoriser l’endormissement au moyen de comptages répétés.
Influences populaires
La figure du mouton s’est installée comme symbole universel de quiétude et de douceur. La répétition du geste de compter ces animaux rassurants est perçue comme un moyen d’occuper l’esprit et d’éviter l’angoisse ou l’anxiété, en lui offrant une tâche simple et rassurante avant de dormir.
Pourquoi préfère-t-on les moutons, plutôt que des vaches ou des cochons ?
Le choix des moutons pour illustrer cette méthode repose sur plusieurs considérations liées à leur comportement, leur symbolisme et leur présence dans l’imaginaire collectif :
La nature docile et régulière des moutons
Les moutons sont connus pour leur attitude calme et leur déplacement en troupeau ordonné. Leur façon de se mouvoir en groupe, de façon synchronisée, en fait un animal idéal pour représenter une activité répétitive et apaisante, moins susceptible de troubler le processus d’endormissement que d’autres animaux plus actifs ou imprévisibles.
Le symbole de douceur et de sérénité
La perception traditionnelle des moutons comme des êtres doux, inoffensifs et paisibles renforce l’idée qu’ils facilitent la relaxation. Leur image évoque la douceur, la sécurité et la tranquillité, des qualités favorables à l’endormissement.
Une présence quotidienne dans les milieux pastoraux
Les régions où cette expression a pris racine, souvent rurales, ont vu les moutons être omniprésents, contrairement à des animaux comme les vaches ou les chèvres. La familiarité avec ces animaux a facilité leur intégration dans l’imaginaire collectif comme objets de comptage rassurants.
La fameuse uniformité visuelle
Les troupeaux de moutons, généralement blancs et homogènes, créent une image simple et répétitive. Cette uniformité contribue à renforcer l’effet apaisant d’une activité de comptage, que l’on pourrait moins facilement retrouver chez des animaux plus diversifiés en apparence.
Qu’est-ce qui explique la facilité avec laquelle il est possible de compter les moutons ?
Les moutons, par leur comportement grégaire et leur tendance à rester en groupe, sont particulièrement propices à cette activité de comptage. Leur mode de vie collectif facilite leur suivi mental, car ils ont une forte propension à suivre leur troupeau, même en cas de danger. Voici quelques mécanismes de leur comportement collectif :
Le suivi instinctif et inconditionnel
Les moutons suivent sans hésitation leur congénère, même dans des situations périlleuses. Ce réflexe de troupe permet de maintenir le groupe soudé, en intégrant une réaction en chaîne face à un changement de direction ou à la perception d’un danger.
La réaction coordonnée en cas de menace
Lorsqu’un danger apparaît, les moutons fuient ensemble, réagissant de façon synchronisée. Ce comportement collectif, miroir d’une adaptation à leur environnement, renforce leur cohésion et facilite le suivi constant du groupe.
L’absence d’un chef clairement identifié
Dans un troupeau de moutons, aucune figure de leadership ne domine. Chaque animal réagit aux mouvements de ses proches immédiats, ce qui favorise une dynamique de groupe flexible, sans hiérarchie rigide.
La proximité physique et la confiance sociale
Les moutons se sentent plus en sécurité en restant proches les uns des autres. Lorsqu’un animal s’éloigne du groupe, il manifeste souvent une inquiétude ou un stress, cherchant la proximité de ses pairs.
L’apprentissage par imitation
Les moutons apprennent aussi à partir de leurs semblables : lorsqu’un mouton découvre une ressource ou un itinéraire, il est rapidement imité par le reste du troupeau.
La synchronisation de leurs mouvements
Le déplacement coordonné des moutons, que ce soit pour changer de place ou pour se rassembler, contribue à leur cohésion et leur permet de se calmer mutuellement, évitant le stress face aux prédateurs ou aux perturbations.
Est-ce que compter les moutons a réellement un effet apaisant ?
La question de l’efficacité de cette pratique a fait l’objet d’études scientifiques. Certaines recherches, notamment menées par l’Université d’Oxford, indiquent que compter les moutons n’est pas forcément la méthode la plus rapide ou la plus performante pour s’endormir. Au contraire, ces études révèlent que cette activité peut parfois entraîner un délai supplémentaire, car son caractère répétitif peut favoriser la valse des pensées anxieuses ou stressantes. D’après ces travaux, des techniques comme la respiration profonde ou l’imagerie mentale encourageante (visualiser un paysage relaxant) seraient meilleures pour favoriser rapidement l’endormissement. Par conséquent, si compter des moutons peut aider certains à calmer leur esprit, d’autres stratégies plus actives ou relaxantes semblent aujourd’hui plus recommandées pour trouver le sommeil efficacement.