Comprendre l’expression : « le petit oiseau va sortir » chez les photographes

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L’origine de l’expression « le petit oiseau va sortir » remonte aux premiers temps de la photographie, au XIXe siècle. À cette période, la création d’une image nécessitait un temps d’exposition longue, ce qui incitait les photographes à utiliser une formule pour rassurer les modèles, surtout les enfants, en leur laissant croire qu’un oiseau allait apparaître de l’appareil. Retour sur cette tradition ancienne.

Que représente vraiment l’expression “le petit oiseau va sortir” ?

Ce dicton, longtemps employé par les photographes avant de presser sur le déclencheur, avait pour but d’indiquer que le cliché allait être pris. Il s’agissait à la fois d’un appel à la patience, pour que les sujets restent immobiles, et d’une manière d’inciter à sourire ou à ne pas bouger. Cependant, cette phrase a aussi été détournée dans la littérature et la culture, pour refléter des illusions ou des attentes non réalisées, souvent avec une touche d’ironie ou de critique, comme le montrent plusieurs citations :

  • “Georges, qui se rendait compte qu’elle lui parlait comme à un enfant, se disait qu’elle lui annoncerait sûrement l’arrivée du petit oiseau lors de la séance de photo.” (Roger Peyrefitte, 1943)
  • “Le photographe annonça : ‘Le petit oiseau va sortir’, en essayant de détendre l’atmosphère. Cependant, le regard de l’homme restait figé, comme si un secret plus lourd se cachait derrière ce moment attendu.” (Georges Simenon, 1971)
  • “Momo, regardant l’appareil, entendit : ‘Le petit oiseau va sortir…’ Mais il savait bien qu’aucun oiseau ne surgirait, et que cette image ne capturerait jamais ce qui pesait depuis ce jour-là dans l’air.” (Romain Gary, 1975)
  • “Le photographe répétait : ‘Souriez, le petit oiseau va sortir’, sans se douter que, derrière lui, un tout autre volatile, en armes, s’apprêtait à faire surface.” (Daniel Pennac, 1987)
  • “L’homme derrière l’appareil disait : ‘Le petit oiseau va sortir’, mais je savais que la photo n’aurait jamais rendu justice à l’émotion que je percevais dans leurs regards.” (Patrick Modiano, 1997)
  • “Le photographe annonça : ‘Le petit oiseau va sortir’. La scène était si artificielle que le sourire semblait faux, tout comme l’oiseau qu’on attendait mais ne voyait jamais apparaître.” (Michel Houellebecq, 1998)

D’où vient cette expression et pourquoi était-elle utilisée ?

Historiquement, cette phrase servait à détendre et rassurer les personnes photographiées, en particulier les enfants, pour qu’elles restent immobiles et naturelles. La pose pouvait durer plusieurs minutes, et cette formule permettait de patienter en leur faisant croire qu’un oiseau surgirait du mécanisme de l’appareil photo. À l’époque, les appareils existaient parfois avec un mécanisme intégré représentant un petit volatile, souvent mécanique, qui s’animait ou sortait lors de la prise de vue. Cela captait leur attention, leur faisant regardé vers l’appareil et sourire, dans une illusion créée pour faciliter la séance.

Quand cette expression est-elle apparue ?

Elle apparaît au cours du XIXe siècle, lorsque la photographie s’est peu à peu démocratisée. Les premiers appareils étaient volumineux, difficiles à manier, et nécessitaient des temps d’exposition très longs. Les premières images, comme celles réalisées par Nicéphore Niépce avec la technique de l’héliographie dans les années 1820-1830, demandaient environ huit heures d’exposition. Avec l’invention du daguerréotype en 1839, ce délai a été réduit à une quinzaine ou une trentaine de minutes. Les avancées techniques suivantes ont permis de réduire encore ces temps à quelques secondes. Malgré cela, l’expression “le petit oiseau va sortir” s’est maintenue comme un symbole ludique et rassurant, aujourd’hui éloigné de ses origines technologiques.

Quel petit oiseau sortait réellement ?

Les photographes utilisaient tous les moyens possibles pour capter l’attention de leurs sujets, surtout des enfants, qui avaient du mal à rester immobiles. Certains appareils intégraient un mécanisme représentant un oiseau, souvent métallisé ou en bois, décoré de couleurs attrayantes. Selon les modèles, cet oiseau pouvait se déployer via un bras articulé ou un support, parfois avec un léger mouvement d’ailes ou un bruit (sifflement, cliquetis) pour attirer l’œil et donner l’impression que l’oiseau allait jaillir au moment précis de la photo.

Quelles autres astuces pouvaient être utilisées pour attirer l’attention ?

Au-delà des mécanismes mécaniques, diverses stratégies étaient employées pour amuser ou distraire les enfants durant la pose : apport de jouets, peluches, miroirs pour attirer le regard, ou encore l’emploi de foulards colorés secoués devant eux. Certaines séances s’accompagnaient aussi de chants ou de comptines pour détendre les jeunes modèles, facilitant l’obtention de clichés plus naturels et expressifs.

Pourquoi les temps de pose étaient-ils si longs ?

Les techniques de l’époque imposaient de longues expositions, principalement à cause de plusieurs limitations technologiques :

La captation de la lumière

Les premières plaques photographiques, comme celles des daguerréotypes, étaient peu sensibles à la lumière, nécessitant des expositions longues pour figer l’image.

La faible sensibilité des matériaux

Les émulsions utilisées avaient une réactivité limitée, ce qui augmentait la durée d’exposition nécessaire pour obtenir une image claire.

Les lentilles moins performantes

Les objectifs d’alors laissaient passer moins de lumière, obligeant à augmenter le temps d’éclaircissement.

La dépendance à la lumière naturelle

Les éclairages artificiels, alors rudimentaires, n’étaient pas toujours disponibles ou efficaces, rendant la lumière du jour ou la lumière ambiante essentielle mais variable.

Le maintien de la netteté

Pour éviter tout flou de mouvement, les sujets devaient rester parfaitement immobiles pendant plusieurs secondes, ce qui expliquait la rigidité souvent observée sur les premiers portraits.

Malgré la disparition de ces mécanismes et la sophistication accrue des appareils modernes, l’expression “le petit oiseau va sortir” demeure un souvenir évocateur de cette époque révolue, symbole d’une tradition ludique devenue iconique.