adopter la posture du « bouche en cul de poule » consiste à pousser les lèvres vers l’avant en formant un cercle, évoquant l’action de souffler un baiser invisible. Dans cet article, nous explorons cette expression qui trouve ses racines dans le langage familier : sa signification, ses origines, ainsi que sa référence avec l’image de la poule. Apparue dès le XVIIe siècle, cette figure faciale engagée dans la communication non verbale connaît un regain de popularité aujourd’hui, tout en restant un phénomène tendance.
que représente l’expression “bouche en cul de poule” ?
Pour réaliser cet effet, il s’agit de faire jaillir les commissures des lèvres pour obtenir un cercle parfait. Cette technique, souvent utilisée dans un but flirtatif, se retrouve fréquemment dans les selfies modernes. Les dictionnaires français associent cette expression à une moue de demande ou d’attente, souvent perçue comme mielleuse ou affectée. Autrefois, dans la haute société, cette mâchoire pincée symbolisait le mépris ou une attitude hautaine, voire hypocrite. La formule “ouvrir la bouche en cœur” lui est souvent considérée comme un synonyme. Il faut souligner que l’écriture “bouche en cul de poule” sans traits d’union est aujourd’hui la forme majoritaire. Voici quelques exemples d’utilisation classique de cette expression :
- Une femme charmante aux yeux doux, dont la bouche en cul de poule semble prête à donner des baisers. (Journal des Goncourt, 1878)
- Face aux plaisanteries de ses fils de famille, j’ai fait la moue en voyant qu’ils misaient gros pour une plaisanterie, tout en arborant une bouche en cul de poule. (Jules Vallès, L’Insurgé, 1886)
- Riant aux éclats avec ses amis, elle affichait une moue exagérée, une bouche en cul de poule qui amusait tout le monde. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac, 1897)
- Elle arborait une expression loufoque et une mine un peu idiote, avec cette fameuse bouche en cul de poule. (Léon Bloy, La femme pauvre, 1897)
- Regardant son plat en haussant les épaules, elle minaude, en faisant une moue de poule. (Louis Chadourne, Le pot au noir, 1922)
- Elle évitait tout geste affectueux, ses lèvres formant une petite moue, témoignant d’une réserve. (Annie Ernaux, La femme gelée, 1981)
d’où vient cette expression ?
Pour comprendre l’origine de cette formule, il est utile d’observer la position des lèvres lorsqu’on les pousse en avant et qu’on arrondit la bouche. Par ailleurs, le croupion d’une poule, cette zone située à l’arrière de son corps qui porte la queue, offre une ressemblance visuelle avec cette expression. Son aspect, sculptural et tuberculé, évoque la forme arrondie que prennent les lèvres lors de la moue en cercle, renforçant la métaphore.
Qu’est-ce qu’un cul de poule ?
En dehors de l’expression, le terme désigne un récipient métallique à fond arrondi, principalement utilisé en cuisine. La ressemblance avec la partie postérieure de la poule aurait favorisé le nom, surtout à l’époque médiévale, lorsque cet ustensile servait surtout à préparer des œufs. L’origine du nom pourrait venir de cette analogie physique, puisque cet outil ressemblait au croupion de l’animal. La terminologie a également migré vers d’autres domaines, décrivant, par exemple, la partie arrondie d’un fusil ou encore un ulcère présentant des bords saillants, ou encore des formes particulières dans la serrurerie ou la machinerie. Parmi ces utilisations figurent :
- Une structure mécanique ressemblant à une demi-sphère, utilisée en industrie ou en théâtre. (Georges Moynet, 1893)
- Un chapeau, évoquant un moule ou un affaissement rond. (Blaise Cendrars, 1945)
- Une bosse sur des chaussures ou des équipements, comme une protubérance à l’arrière du talon. (Rama, 1973)
quand cette expression est-elle apparue ?
Au XVIIe siècle, “faire le cul de poule” signifiait d’abord joindre le bout des doigts pour former une pince, ou faire la moue en pressant les lèvres, selon les sources. Certains ouvrages, comme celui d’Antoine Oudin, mentionnent aussi le fait de froncer la bouche, ce qui traduit une forme de grimace ou de demande. La référence à une petite moue ressemblant à un cercle ou à un cul de poule apparaît dans les dictionnaires classiques du XVIIIe siècle, où l’expression décrit une expression faciale spécifique. Ce n’est qu’au XVIIIe siècle que cette posture s’est imposée dans la représentation iconique de la moue, évoluant jusque dans la bouche en cul de poule de l’époque moderne.
l’expression “bouche en cul de poule” dans le langage argotique
À partir du XXe siècle, cette formule a été adoptée par le vocabulaire de l’argot et a souvent été utilisée pour décrire des expressions ou comportements liés à la séduction, au comique ou à la caricature. Des exemples illustrent cette popularité :
- En 1905, une description d’une femme avec une bouche en cul de poule pour faire des yeux de merlan. (Charles-Henry Hirsch, Auguste Leymarie)
- En 1911, une allusion aux petits airs de maîtresses ou à des gestes affectés dans un contexte familier. (Nonce Casanova)
- En 1932, une remarque sur une persona féminine mimant une moue humoristique ou expressive. (Jeanne Humbert)
- En 1952, une remarque informelle sur la non nécessité de faire une moue pour être naturel. (André Héléna)
comparaison entre bouche en cul de poule et face de canard
Sur internet et dans la culture populaire, il est fréquent de voir des photos où des femmes accentuent cet effet en poussant fortement leurs lèvres, en gonflant leurs joues ou en ouvrant grand les yeux. La pose dite “face de canard” ou “duck face” est devenue une mode lors des selfies, notamment dans le but de donner un air provocateur ou device. Originellement, cette expression a été qualifiée de moue à l’air “provocateur” dès le XVIIe siècle, mais dans le contexte contemporain, elle s’est largement popularisée sous cette appellation anglophone. Toutefois, cette tendance “photo à la bouche en cul de poule” apparaît désormais délaissée par certains, qui dénoncent cette pose comme un faux pas dans l’expression du naturel, allant jusqu’à organiser des pétitions pour faire cesser cette mode qu’on juge parfois grotesque et déserte de sincérité.