Le serpent pénis, un amphibien unique en son genre

Accueil » Les animaux sauvages » Amphibiens » Le serpent pénis, un amphibien unique en son genre

Son nom évoque immédiatement une image claire, car sa ressemblance avec un organe génital masculin est frappante. Nous allons découvrir cette créature sans membres, qui ne possède en apparence que la physionomie d’un reptile, mais qui est en réalité un amphibien, à l’image des grenouilles. Avec moins d’une dizaine d’individus recensés à ce jour, cette espèce aquatique rare suscite encore beaucoup de curiosité. En route pour le fleuve Amazone, au Brésil, pour explorer cette mystérieuse espèce encore peu connue.

Quelle est la nature de cet animal appelé serpent pénis ?

Ce spécimen appartient à la classe des gymnophiones, un groupe d’amphibiens allongés, souvent désignés sous le nom d’apodes ou céciliens. Ces êtres se distinguent par leur corps élancé, recouvert d’une peau lisse et fragile, avec une tête arrondie où de minuscules yeux à peine perceptibles leur donnent souvent un aspect aveugle. Dépourvus de membres, ils ressemblent à des serpents ou à de gros vers, mais leur squelette prouve qu’ils font partie des vertébrés. Connu sous le nom scientifique atretochoana eiselti, ce serpent pénis appartient à la famille des Typhlonectidés, seul représentant du genre Atretochoana. Comme l’ensemble des amphibiens, il évolue exclusivement dans l’eau.

À quoi ressemble cette espèce singulière ?

Ce serpent pénis arbore une peau lisse, qui semble visqueuse, de teinte grisâtre. La ressemblance avec une verge lui a valu son nom commun. Sa taille peut atteindre entre 72 et 100 cm, avec un poids allant de 140 à 820 grammes, faisant ainsi d’Atretochoana eiselti la plus grande cécilie connue à ce jour. La morphologie de l’animal présente plusieurs traits distinctifs, notamment une tête large et plate, un museau gonflé, et des yeux placés dans des dépressions, leurs positions étant faibles. Les narines externes sont grandes, situées vers l’avant, et parfaitement scellées. L’animal possède une multitude de dents, ainsi qu’une dizaine de denticules ventraux, qui ressemblent à des écailles rugueuses. Des rides épaisses et irrégulières parcourent sa surface latérale et ventrale, évoquant des anneaux comme ceux des vers. Sur son dos, une nageoire dorsale charnue est visible, accompagnée de plusieurs glandes muqueuses sous la peau, qui apparaissent sous forme de taches rondes. La structure osseuse est caractérisée par une quarantaine d’oscivres, allant de 114 à 118 selon les spécimens étudiés.

Comment respire ce serpent sans poumon ?

Une particularité notable de atretochoana eiselti est qu’il ne possède aucun organe pulmonaire, contrairement à la majorité de ses cousins céciliens. La plupart des amphibiens disposent en effet d’un ou deux poumons, mais ici, ceux-ci font défaut. Au lieu de cela, cet animal respire à travers sa peau, grâce à un réseau dense de capillaires très proche de l’épiderme, facilitant les échanges gazeux. Les chercheurs ont également observé que ses orifices nasaux, ou choanes, sont fermés, et que ses artères pulmonaires sont absentes, confirmant qu’il ne peut pas respirer par les poumons. La peau de l’animal joue donc un rôle crucial dans son respiration, et ses nombreuses rides augmentent la surface cutanée, optimisant cette respiration transepidermique.

Dans quel environnement évolue cet amphibien sans membres ?

Endémique du Brésil, cet amphibien se rencontre principalement dans deux régions isolées : dans l’État de Pará et celui de Rondônia, au nord du pays. Les rares observations effectuées ont été faites dans des zones très éloignées l’une de l’autre, proches de la plaine amazonienne. La première localité se situe près de l’embouchure du fleuve Amazone, notamment sur l’île Mosqueiro et la baie de Marajó, tandis que la seconde, autour de Cachoeira Santo Antônio, se trouve près de la frontière avec la Bolivie, au niveau de la rivière Madeira. Ces habitats se caractérisent par leur faible altitude, des eaux chaudes (entre 24 et 30 °C), troubles et à courant rapide, favorables à sa survie.

Comment cet animal a-t-il été découvert ?

La première description officielle de l’espèce, sous le nom d’Atretochoana eiselti, remonte à 1968. Elle a été établie par le herpétologiste américain Edward Harrison Taylor, qui a basé ses recherches sur un seul spécimen trouvé en Amérique du Sud, exposé au musée de Vienne, en Autriche. Son nom honore le herpétologiste autrichien Josef Eiselt. Jusqu’à cette découverte, seulement deux individus avaient été recensés, lors d’expéditions menées par Sir Graham Hales dans la forêt amazonienne brésilienne, à la fin du XIXe siècle. Ce n’est qu’en 2011 qu’une découverte accidentelle a permis de repérer six nouveaux spécimens dans une région éloignée, lors de la construction d’un barrage dans l’État de Rondônia. Deux ans plus tard, d’autres individus ont été identifiés lors du dragage d’une zone de la rivière Madeira, dans le cadre de projets hydroélectriques.

Quel mode de vie adopte cette créature mystérieuse ?

La majorité des céciliens sont des prédateurs carnivores, se nourrissant principalement de petits poissons, de vers ou d’autres invertébrés vivant dans l’eau. Le serpent pénis, bien que peu étudié, est également considéré comme un carnivore aquatique. Son acuité visuelle est très limitée, le poussant à se repérer essentiellement par son odorat. Son mode de vie reste difficile à appréhender précisément, car sa nature discrète et insaisissable limite les observations scientifiques. Par conséquent, il est difficile d’évaluer son état de conservation. En manque de données, l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) classe cette espèce dans la catégorie des espèces à « données insuffisantes ».

Crédit photo : Matt Roper