Originaire du continent nord-américain, la grenouille taureau a été introduite en France durant les années 1960. Initialement appréciée pour son aspect décoratif dans les étangs privés, elle a rapidement échappé à ses propriétaires pour s’étendre dans la nature. Aujourd’hui, cette espèce massive représente une menace sérieuse pour la biodiversité locale, car sa voracité et sa capacité à se reproduire rapidement en font un prédateur très difficile à contrôler. Face à ces enjeux, diverses mesures ont été adoptées pour limiter sa propagation et protéger les écosystèmes français. Décryptage du profil d’un invité indésirable des milieux aquatiques.
La grenouille taureau : présentation
La grenouille taureau, aussi appelée Lithobates catesbeianus ou Rana catesbeiana, fait partie des amphibiens classés dans l’ordre des anoures, appartenant à la famille des ranidés. Cette espèce, qui a connu une révision taxonomique en 2006, est originaire d’Amérique du Nord. Sa taille varie généralement de 11 à 18 cm chez les mâles, et de 12 à 18,5 cm chez les femelles. Son poids peut atteindre 600 grammes, voire plus dans certains cas, faisant d’elle l’une des plus grandes grenouilles présentes en Europe. Sa taille exceptionnelle dépasse largement celle des espèces locales françaises, ce qui contribue à sa réputation de prédateur imposant.
Comment reconnaitre la grenouille taureau ?
Son aspect extérieur se distingue par une peau lisse affichant une teinte allant du vert olive au brun foncé, ornée de taches sombres réparties sur le dos. Le ventre arbore une couleur crème marquée de gris. Les pattes palmées présentent souvent des motifs sombres, et ses tympans, circulaires derrière les yeux, sont particulièrement visibles, surtout chez le mâle où ils sont également plus grands. Ce dernier se différencie aussi par sa gorge jaune vif lors de la saison reproductive, alors que celle de la femelle reste beaucoup plus claire. Les membres postérieurs, longs et musclés, lui permettent d’effectuer des sauts impressionnants. L’absence de plis latéraux sur le corps est une caractéristique déterminante permettant d’identifier cette espèce de ses congénères indigènes en France.
Son introduction en France
La zone de provenance originelle de la grenouille taureau couvre la côte est des États-Unis, s’étendant du Mexique à la région des grands lacs au sud du Canada. Elle a été volontairement importée en Europe et dans plusieurs pays asiatiques, ainsi qu’en Océanie, principalement pour des raisons décoratives ou d’aquariophilie. En France, elle a été introduite à la fin des années 1960 par un propriétaire privé qui souhaitait embellir son étang. Peu à peu, la grenouille s’est échappée de son environnement d’origine pour coloniser naturellement certains milieux aquatiques du sud-ouest français, en particulier en Nouvelle-Aquitaine. Aujourd’hui, sa distribution s’étend aux départements de la Gironde, des Landes, du Loir-et-Cher et de la Dordogne, où ses populations prolifèrent rapidement grâce à des conditions climatiques favorables.
Quel habitat pour la grenouille taureau ?
Elle privilégie généralement les zones aquatiques à faible courant ou stagnantes, telles que les étangs, les marais, les lacs, les rivières, ou encore les zones humides artificielles comme les bassins de stations d’épuration et les canaux entourés d’une végétation dense. Très peu exigeante en termes de qualité de son habitat, cette espèce peut également s’établir dans des fossés, des rizières ou des zones urbanisées où l’eau stagnante est présente. Sa préférence va aux climats tempérés, ce qui explique sa domination dans le sud-ouest de la France.
Son alimentation
De nature carnivore et opportuniste, la grenouille taureau consomme une grande variété de proies. Elle chasse principalement des insectes aquatiques ou terrestres comme les mouches, coléoptères, libellules ou sauterelles. Elle peut aussi se nourrir de petits crustacés, tels que des daphnies ou écrevisses, ainsi que de petits poissons comme la vairon ou la carpe. Son mode de chasse consiste à attendre qu’une proie entre dans sa portée, pour projeter rapidement sa langue et l’attraper. Elle n’hésite pas à s’en prendre même à de petits mammifères, des oiseaux, ou encore à ses congénères, y compris ses propres jeunes.
Mode de reproduction
Les mâles émettent des appels sonores puissants pour attirer les femelles, et se rassemblent dans l’eau pour la reproduction. Lors de l’accouplement, il adopte la position d’amplexus, où il saisit la femelle avec ses pattes, généralement située sous ses membres antérieurs. Quand la température de l’eau atteint 20°C environ — la température optimale étant de 26°C — la femelle pond entre 4 000 et 20 000 œufs, souvent en plusieurs sites ou en grappes gélatineuses suspendues aux végétaux en zone peu profonde. Ces œufs sont facilement identifiables en surface, où ils forment des amas visibles dans les eaux ensoleillées.
Développement des têtards
Après quelques jours, les œufs éclosent pour donner naissance à des têtards. Leur croissance est lente, pouvant durer de plusieurs mois à deux ans selon la température ambiante. Pendant cette période, la respiration passe progressivement de la peau à pulmonaire, et des pattes apparaissent peu à peu, tandis que la queue diminue. La métamorphose complète s’effectue généralement lorsque le jeune amphibien atteint environ 9 à 10 cm, vers l’âge de 2 à 3 ans. La durée de vie de la grenouille adulte en milieu naturel varie entre 8 et 9 ans, et ces jeunes adultes se dispersent dans leur environnement pour coloniser d’autres plans d’eau, pouvant parcourir jusqu’à 700 mètres annuellement.
Pourquoi la grenouille taureau est-elle classée comme espèce invasive ?
Une espèce invasible est celle qui, introduite hors de son aire de répartition naturelle, se déploie de façon rapide et agressive, menaçant la biodiversité, les habitats et les espèces indigènes. La grenouille taureau réunit plusieurs de ces critères : sa capacité à produire un nombre élevé d’œufs, lui permettant une croissance démographique rapide, sa compétition avec la faune locale pour la nourriture et l’espace, et l’absence de prédateurs naturels dans les milieux d’introduction. En plus, elle peut être vectrice de pathogènes comme le champignon responsable de la chytridiomycose, une maladie qui décime de nombreux amphibiens à travers le monde.
La réglementation concernant la grenouille taureau
Considérée comme espèce exotique envahissante prioritaire selon l’arrêté du 14 février 2018, la grenouille taureau fait l’objet d’un plan de lutte national. Ce dernier comprend des mesures préventives, telles que la sensibilisation du public, la surveillance accrue des populations, ainsi que des actions d’éradication ciblant la capture manuelle des individus, y compris œufs et têtards, pour limiter leur expansion. La loi interdit toute introduction volontaire ou accidentelle, transport, mise en vente ou achat de cette espèce en France. Par ailleurs, son commerce est réglementé au niveau européen, notamment par l’inscription en annexe 2 de la Convention CITES, empêchant sa commercialisation dans toute l’Europe.