Montbéliarde : la vache qui inspire de nombreux fromages authentiques

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Facile à reconnaître, la Montbéliarde arbore un pelage blanc ponctué de taches rouge vif qui jouent un rôle essentiel dans son apparence. Apparaissant pour la première fois lors de l’exposition universelle de Paris en 1889, cette race est renommée pour la qualité exceptionnelle de son lait. Originaire d’une région à la tradition fromagère forte, elle occupe aujourd’hui la première place parmi les races aptes à produire des fromages d’appellation en France. Voici l’histoire de cette vache emblématique des régions de Franche-Comté.

Souches suisses ayant influencé la Montbéliarde

Au début du XVIIIe siècle, une soixantaine de Mennonites bernois, cherchant refuge en Franche-Comté pour fuir la persécution religieuse, y apportèrent avec eux leurs vaches Simmental. Cette race, plus robuste et plus prolifique que celles couramment élevées à cette époque, marqua durablement la région. À cette période, le bétail local se divisait principalement en deux variétés selon leur région de prédilection :

  • La Taurache, reconnaissable à ses teintes rougissantes, était majoritairement présente dans le massif du Jura. Elle servait autant à la production de lait qu’à tirer des bœufs pour les travaux forestiers et le transport du bois ;
  • La Fémeline, de couleur claire, dominait dans les plaines et basses vallées. La silhouette plus fine de cette variété lui conférait une capacité laitière supérieure à celle de la Taurache.

L’émergence officielle de la race Montbéliarde en 1889

Les exilés suisses ne se contentèrent pas d’apporter leurs animaux, ils sauvèrent également leurs méthodes d’élevage. La sélection rigoureuse menée sur la Simmental attisa la curiosité et l’émulation des éleveurs locaux, qui commencèrent à faire saillir leurs femelles avec des taureaux bernois. Après un siècle d’améliorations, la race finit par être stabilisée, tant par sa morphologie que par ses performances. La dénomination “Montbéliarde” apparaît pour la première fois en 1872, quand Joseph Graber, éleveur issu d’une famille mennonite, présenta ses animaux lors du concours agricole de Langres. La reconnaissance officielle de la race fut officialisée une décennie plus tard, lors de l’Exposition universelle de Paris, le 12 décembre 1889, grâce à la contribution d’éleveurs et de figures clés comme Jules Boulland, Gustave Cuvier, Léon Vassilière et Jules Viette. La même année, le registre généalogique des bovins fut créé pour suivre leur ascendance.

Organisation collective autour de la Montbéliarde

Une fois la race établie et nommée, il fallut structurer l’élevage pour accompagner la sélection des reproducteurs, l’enregistrement des naissances, le contrôle de la santé et l’évaluation morphologique. Des syndicats d’élevage furent donc créés, encouragés par Benjamin Kholer, professeur d’agriculture et directeur d’une école laitière. En 1901, deux organisations majeures virent le jour, et en 1903, l’Association générale des syndicats d’élevage du Doubs a été fondée, regroupant cinquante syndicats locaux. En 1914, cette association institua le contrôle laitier pour garantir la qualité. Après plusieurs décennies de progrès génétiques, le développement de l’insémination à partir de 1945 facilitât la diffusion de la race dans d’autres régions, avec la mise en place de tests pour évaluer la qualité des taureaux à partir de 1952.

Les caractéristiques visuelles de la Montbéliarde

Ce bovin possède une robe majoritairement blanche, marquée par des taches rouges qui couvrent la partie supérieure du corps, aux contours bien définis. La coloration blanche occupe le dessous du corps, la tête, les membres et la queue. La tête, large au niveau des yeux, s’affine vers le mufle, tandis que la poitrine est massive et profonde, et le dos présente une ligne droite. Les cornes, en demi-lune, sont courtes. La Montbéliarde est une grande race, mesurant généralement entre 1,40 et 1,45 m au sacrum. Son poids moyen varie de 650 à 800 kg pour les femelles, tandis que les taureaux peuvent atteindre 1 200 kg.

Une race à forte identité fromagère

Avec la Simmental, la Montbéliarde est l’une des races la plus impliquée dans la production du célèbre fromage Comté, bénéficiant de l’Appellation d’Origine Contrôlée depuis 1958. Ses qualités laitières ne sont pas accidentelles : dans le terroir franc-comtois, la fabrication du fromage s’inscrit dans une tradition ancestrale. Dès le XIIIe siècle, la collecte et la transformation du lait étaient orchestrées dans des fruitières fromagères. Après le début du XXe siècle, la croissance des coopératives a permis un approvisionnement accru, même dans les plaines. Cette évolution a renforcé l’orientation laitière de la race, qui est désormais indissociable de son patrimoine génétique, en étant majoritaire dans plusieurs autres AOP fromagères telles qu’Abondance, Bleu d’Auvergne, Cantal, Langres, Morbier, Reblochon ou Saint-Nectaire.

La composition unique du lait de la Montbéliarde

La capacité de produire du bon fromage repose en grande partie sur la composition du lait de la Montbéliarde, qui présente deux qualités principales :

  • Un équilibre parfait entre matières grasses et protéines, ce qui influence la texture, la coagulation et le développement aromatique du fromage. Ce rapport est idéal pour la fabrication fromagère ;
  • Une aptitude à une meilleure coagulation du lait, grâce à une synthèse plus élevée de caséines spécifiques et à une concentration accrue en calcium, augmentant ainsi le rendement fromager.

Les territoires d’élevage de la Montbéliarde en France et à l’étranger

Capable de s’adapter à des conditions variées, la Montbéliarde est connue pour sa longévité, sa fertilité et sa rusticité. Élevée à l’origine en altitude, elle supporte facilement les climats extrêmes. Elle constitue encore aujourd’hui l’essentiel du cheptel laitiers en Franche-Comté, représentant près de 95 % des bovins laitiers locaux. La race a également su s’implanter dans d’autres régions françaises telles que l’est, le sud-est, le centre, le sud-ouest et l’ouest. Au-delà des frontières, la Montbéliarde s’exporte depuis plusieurs décennies vers plusieurs pays : Afrique du Sud, Espagne, République tchèque, États-Unis, où sa semence permet d’améliorer la performance des élevages locaux. Aujourd’hui, c’est la deuxième race laitière en France, juste après la Prim’Holstein, qui domine aussi le marché mondial.

Crédit photo : groms78