Les capacités mémorielles du cheval : ce que la science révèle

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De nos jours, la quête pour mieux appréhender le comportement animal est devenue une priorité, surtout envers ceux avec qui l’humain partage une relation étroite. Parmi eux, le cheval occupe une place particulière. Des recherches approfondies sur leur attitude et leur fonctionnement cognitif sont fréquemment menées. Récemment, une étude publiée en août 2019 dans Scientific Reports a même procédé à des enregistrements de l’activité électrique du cerveau équin. Ces découvertes ont profondément enrichi la compréhension du mode de pensée du cheval, mais il semble que les méthodes éducatives n’aient pas beaucoup changé, restant à un stade superficiel. La compréhension approfondie du cheval, notamment de ses capacités transférables comme sa mémoire, laisse entrevoir la possibilité d’établir des relations plus justes et en harmonie avec ces animaux.

La mémoire émotionnelle chez le cheval

Une expérience impliquant 21 chevaux a été menée pour explorer leur capacité à retenir des expériences émotionnelles. Sur une semaine, chaque animal a été confronté quotidiennement à deux intervenants, l’un offrant une nourriture qu’il affectionnait, l’autre une nourriture inacceptable. Pendant ces rencontres, des sons de voix humaines, spécifiques à chaque cheval et correspondant à la nature de la nourriture, étaient diffusés via des hauts-parleurs. Ensuite, ces mêmes voix ont été reproduites dans différents contextes, parfois lorsque les chevaux étaient attachés, d’autres fois lorsqu’ils étaient lâchés, le tout étant filmé et enregistré électroencéphalographiquement. Les résultats ont révélé que les chevaux réagissaient avec une attention accrue et des signaux positifs lorsque les voix associaient à des expériences agréables étaient diffusées, suggérant qu’ils conservaient en mémoire des empreintes émotionnelles. Ce qui n’est pas une surprise, étant donné leur grande sensibilité, notamment leur tendance à développer des traumatismes si leur bien-être est négligé. L’étude affirme également que ces animaux sont capables de différencier clairement les voix humaines, ce qui renforce l’idée qu’ils possèdent une mémoire affective.

Une capacité à se souvenir sur le long terme

En complément de ces résultats, d’autres recherches plus anciennes, comme celle de 2009, se sont intéressées à la mémoire à long terme chez le cheval. Même si leur portée est limitée par le nombre d’individus étudiés, elles ont montré que certains chevaux parvenaient à se rappeler d’apprentissages effectués plusieurs années auparavant, jusqu’à une décennie, sans aucun entraînement ou rappel entre-temps. Ces constatations tendent à confirmer ce que vivent quotidiennement éleveurs et cavaliers, à savoir que la mémoire de ces animaux peut perdurer sur plusieurs années.

Il est cependant important de relativiser ces observations, car chaque cheval possède un potentiel cognitif différent selon sa race, ses expériences antérieures, ou encore sa méthode d’éducation. Certains, par exemple, montrent une mémoire et une aptitude à apprendre moindres lorsqu’ils sont destinés au dressage, comparés à ceux destinés à la randonnée ou au cross. La différence peut venir du type de stimuli auxquels ils sont exposés. En dressage, par exemple, l’apprentissage repose souvent sur la répétition, alors que dans la nature, la capacité à répondre à des situations variées et complexes sollicite davantage l’intelligence de l’animal.

De plus, il apparaît que la qualité des liens avec l’humain, notamment basée sur le renforcement positif, joue un rôle déterminant dans la capacité de mémorisation et d’apprentissage du cheval.

Le rôle de la personnalité dans la mémoire du cheval

Une série d’études menées en 2020 a examiné l’impact de la personnalité du cheval sur ses compétences cognitives. La présence de stress constitue le facteur ayant le plus d’influence. Des chevaux ont été placés dans des situations stressantes, et il a été observé que, lorsqu’ils sont stressés lors de l’apprentissage, ceux qui sont naturellement peureux ont souvent des performances moindres. Cependant, si leur stress n’est pas provoqué, ces mêmes chevaux présentent parfois une mémoire de travail supérieure, leur nature anxieuse les rendant plus vigilants. Lorsqu’un stress résulte d’une situation d’apprentissage impliquant des méthodes moins bienveillantes et l’utilisation de renforcements négatifs, ces chevaux peureux tendent à exceller, étant plus résistants à l’extinction des réponses acquises. D’autres traits de personnalité, comme leur tendance à être grégaire ou leur sensibilité sensorielle, ont également un impact plus ou moins moindre sur leur comportement cognitif. Ces résultats soulignent l’intérêt de privilégier des méthodes d’entraînement adaptées à chaque indivudu, respectant sa personnalité, pour optimiser ses capacités cognitives.

Le rôle du renforcement pour stimuler la mémoire du cheval

Il ressort clairement que l’utilisation exclusive du renforcement négatif est contre-productive. Pourtant, cette pratique demeure courante dans certains milieux équestres. À l’inverse, le recours au renforcement positif commence à gagner du terrain, notamment dans le domaine du spectacle, où son efficacité est reconnue. Beaucoup de cavaliers restent cependant réticents à cette approche, craignant que la nourriture ne devienne une demande incessante ou qu’elle n’incite à un comportement agressif comme la morsure, ou simplement qu’ils considèrent qu’un cheval doit obéir sans contrepartie. Pourtant, cette méthode s’avère particulièrement efficace, tout en étant plus respectueuse du bien-être animal, ce qui en fait une stratégie à privilégier.

Plusieurs techniques de renforcement positif existent, la plus connue étant le clicker training. Elle consiste à associer un son court, souvent produit par un clicker, ou un mot court comme “oui”, à une récompense forte, généralement alimentaire. Cette méthode indique immédiatement au cheval qu’il a accompli la tâche correcte, l’encourageant à reproduire le comportement par la suite, favorisant ainsi une meilleure mémorisation.

Les conséquences des traumatismes sur la mémoire et le comportement du cheval

Une expérience négative forte, même si elle est ponctuelle ou répétée, peut laisser une empreinte durable. La peur et le stress ont tendance à dominer, poussant le cheval à réagir par la passivité ou par une agressivité défensive. La mémoire, dans ce cas, devient un mécanisme de survie. Cependant, cette réaction peut rendre l’animal dangereux ou incontrôlable : leur réponse face à un souvenir douloureux peut être démesurée, ce qui pose des risques pour leur sécurité et celle des cavaliers.

Faisant écho à ces problématiques, Buck Branamman, né en 1962, est un pionnier du mouvement de la relation homme-cheval basée sur la confiance, connu sous le nom de « relation naturelle ». Inspiré par sa propre enfance difficile, où il vivait des réactions hostiles dues à la peur, il a compris qu’un mélange de patience, de compassion et de fermeté pouvait aider les chevaux à dépasser leurs traumatismes. Aujourd’hui, il enseigne à travers tout le pays comment construire une relation fondée sur la confiance, même après des expériences négatives lourdes, permettant ainsi une réhabilitation progressive des chevaux et leur réceptivité à un apprentissage serein.