La mise au monde d’un poulain peut parfois poser des défis. Lorsqu’un nouveau-né apparaît en pleine santé, cela rassure généralement ses responsables. Cependant, la majorité des décès, qui oscillent autour de 3 à 4 % dans certaines races de sang, surviennent principalement durant les premiers deux jours. Passé ce cap critique, il est essentiel de reconnaître que les premières années jouent un rôle clé dans le développement du poulain, déterminant son plein potentiel futur. Nous abordons ces aspects dans cet article.
Les premiers jours du poulain
À la naissance, le premier instinct du poulain est d’établir un lien avec sa mère. Il lui faut environ deux semaines pour consolider cette relation, alors que la jument établit cette connexion en quelques heures. À son arrivée, la jument souffle dans les narines de son poulain pour qu’il s’imprègne de son odeur. Elle lui parle également pour qu’il reconnaisse sa voix, ce que l’on appelle le nickering, un hennissement rassurant spécifique. Le poulain cherche alors à se réfugier contre sa mère, à se redresser (il doit être capable de se tenir debout dans ses deux premières heures, sous peine d’appeler un vétérinaire), puis à téter. La mère le stimule en le léchant pour l’encourager à se diriger vers la mamelle. Comme tous les jeunes mammifères, il doit absorber la première lait appelé colostrum, essentiel pour ses anticorps. Dans les premières 24 heures, il est recommandé qu’il consomme l’équivalent de 15 % de son poids en lait, ce qui représente environ 7,5 kg pour un poulain de 50 kg.
Si le poulain ne parvient pas à téter seul, un accompagnement s’avère nécessaire. Il est aussi important de désinfecter son nombril avec de la teinture d’iode à 2 % ou de la Bétadine, plusieurs fois par jour durant les trois premiers jours. Par la suite, une désinfection quotidienne suffit. Surveiller l’émission des premiers crottins, appelés méconium, est également primordial, car la constipation est fréquente chez les nouveau-nés. En dehors de ces soins, il faut respecter le lien naturel entre la mère et son nouveau-né, en laissant leur relation se développer sans interruption.
Construire une relation précoce avec l’humain
Autrefois, l’interaction entre le poulain et l’homme se limitait souvent à des manipulations lors du débourrage. Cependant, avec l’intérêt croissant pour l’éthologie, la vision a changé. Dès les années 1990, la tendance s’est orientée vers une prise en charge plus précoce. En 1994, le vétérinaire américain Robert Miller publie L’imprégnation comportementale du poulain nouveau-né, un ouvrage pionnier décrivant des méthodes de manipulation dès la naissance. Voici les principes fondamentaux qu’il propose.
La première étape consiste à approcher la jument pour obtenir son accord avant toute interaction avec le poulain. Si la mère semble à l’aise, on peut commencer à établir un contact. Cela inclut une respiration douce dans ses narines, mimant la manière dont une mère communique avec son poulain. On peut également reproduire le hennissement du cheval ou choisir un autre son de référence pour créer une association. Ensuite, on procède à un contact tactile progressif : on frotte doucement la tête, les oreilles, le cou, puis le corps, jusqu’aux jambes et aux parties génitales. Lorsqu’on essaie de mettre un licol, il faut préalable le frotter contre le corps du poulain pour qu’il s’y habitue. Il est crucial d’être à la fois précipité et doux dans la démarche, afin que le jeune ne se sente pas étranglé ou intimidée. Une fois en place, le licol peut rester plusieurs minutes. Il est impératif de ne jamais laisser un poulain seul avec le licol, afin d’éviter tout accident.
Certains critiques ont toutefois pointé du doigt cette pratique, la considérant comme pouvant déranger le processus naturel d’imprégnation maternelle si elle est appliquée de façon trop précoce. L’objectif est de renforcer la confiance du poulain envers son propriétaire pour faciliter son apprentissage ultérieur. Toutefois, des études ont montré que les poulains manipulés dès la naissance n’étaient pas nécessairement plus dociles ou plus coopératifs à l’âge adulte. Au contraire, ils risquent de devenir moins autonomes et moins habiles, ce qui peut limiter leur développement global.
Les maladies courantes chez le poulain
Parmi les principales affections infectieuses, la rhodococcose représente la plus redoutable, notamment durant les trois premiers mois. Elle est causée par la bactérie Rhodococcus, présente dans le sol et les crottins, qui se transmet principalement par voie respiratoire. Si un cheval adulte peut porter cette bactérie sans symptômes apparents, le poulain est beaucoup plus vulnérable. La forme la plus courante entraîne la formation d’abcès pulmonaires, provoquant une toux persistante et des difficultés respiratoires. Généralement, le poulain devient léthargique, perd l’appétit et présente de la fièvre. Des formes plus sévères touchant le système digestif ou articulaires existent aussi, mais leur traitement est complexe et coûteux. La majorité des cas nécessitent l’administration d’antibiotiques, surtout pour les formes respiratoires, avec un pronostic réservé, car une fois guéri, il peut conserver des séquelles à vie.
Une autre menace importante est la septicémie, qu’un poulain nouveau-né peut contracter rapidement, notamment s’il n’a pas suffisamment consommé de colostrum. Elle peut aussi être transmise en intra-utérin via le placenta. Une infection du nombril, si elle n’est pas bien désinfectée, peut également évoluer en septicémie. Les symptômes classiques incluent une forte fièvre, un refus d’alimentation, une attitude immobile, ainsi que des signes articulaires ou une dilatation du nombril. La septicémie constitue une urgence vétérinaire, car les chances de survie sont faibles si la réaction n’est pas immédiate.
Le sevrage du poulain
Dans le milieu naturel, la séparation du poulain et de sa mère intervient vers l’âge de dix mois, moment où la mère peut à nouveau donner naissance. Le jeune cesse alors de téter, tout en restant à proximité de sa mère jusqu’à atteindre la maturité sexuelle. En élevage, cette étape intervient souvent beaucoup plus tôt, vers cinq ou six mois, voire plus tôt. Ce décalage peut provoquer un stress important, affectant la santé de l’animal et favorisant l’apparition de comportements répétitifs ou stéréotypés. Bien que les contraintes de l’élevage complexifient un sevrage plus proche des conditions naturelles, différentes méthodes sont employées pour limiter le stress, comme la séparation progressive, la séparation brutale mais encadrée par une clôture, ou encore le sevrage en groupe ou par paires.
Une fois le sevrage effectué, il est important de prendre soin de l’élevage et de l’alimentation du poulain. L’élevage en pré, en extérieur, semble le moins impactant. Cependant, en hiver, il devient nécessaire d’organiser des sorties quotidiennes avec ses pairs pour assurer son bien-être.
Évolution de l’alimentation
Durant le premier mois et demi, le poulain ne se nourrit que de lait. à partir de ce moment, la production laitière diminue naturellement, rendant la transition vers une alimentation solide indispensable pour sa croissance. Dès le début, il est conseillé d’introduire progressivement des fourrages et des concentrés, en imitant l’exemple de sa mère. Pour favoriser cette transition, il est judicieux de construire une mangeoire accessible uniquement au poulain, afin de lui permettre de s’habituer à la nouvelle alimentation sans conflit avec la mère. La solidification du système digestif doit être progressive pour assurer sa santé digestive.
Attention, la paroi de l’estomac du poulain étant très fine dans ses premières semaines, il est vulnérable aux ulcères, pouvant survenir jusqu’à l’âge de 2 ou 3 mois. La gastrite ulcéreuse équine, deux fois plus fréquente chez les poulains domestiques, est également liée à la nature des fibres des paillettes, plus grossières lorsqu’elles proviennent de luzerne. Même après le sevrage, plus de 90 % des poulains domestiques présentent encore des ulcères deux semaines plus tard.
Les besoins caloriques du poulain évoluent en fonction de nombreux facteurs, tels que son âge, son poids et son environnement. Chaque animal ayant un métabolisme différent, il est essentiel de suivre sa croissance et son poids pour ajuster son alimentation. Un déficit en calories ralentira sa croissance, tandis qu’un excès pourrait entraîner des troubles orthopédiques, notamment des DOD comme l’ostéochondrose ou l’épiphysite. Une alimentation équilibrée en protéines, vitamines et minéraux est donc essentielle. Les dérives en quantités ou en compositions peuvent nuire au développement. À l’âge d’un an, le poulain a déjà atteint environ 90 % de sa taille adulte. La croissance se poursuit jusqu’à 3 ans pour un cheval de selle, et jusqu’à 5 ans pour un cheval de trait. La maturité physique, notamment l’ossification des vertèbres, n’est atteinte que vers 4 ans, ce qui explique qu’il est déconseillé de débourrer un cheval avant cet âge. Accompagner un poulain de sa naissance à sa maturité est une démarche exigeante mais extrêmement enrichissante pour les passionnés.