aujourd’hui, le lapin domestique occupe une place privilégiée parmi les animaux de compagnie préférés. Présent dans de nombreux foyers, il apporte jovialité et douceur au quotidien de ses propriétaires. Pourtant, son voyage pour en arriver là a été long et rempli d’étapes. La relation entre l’homme et cette créature sans défense s’est construite peu à peu, en passant par une utilisation pratique avant d’être appréciée comme animal de compagnie. Retour sur l’évolution historique de l’apprivoisement du lapin.
Les avancées de la science
Pour comprendre l’histoire du lapin, il est essentiel de se référer aux découvertes récentes issues du domaine scientifique. Des chercheurs comme Greger Larson, spécialiste en paléogénomique et en archéologie biologique, ont permis d’approfondir la place de cet animal dans la société humaine à travers des études pointues.
La paléogénomique est une discipline innovante qui se concentre sur l’analyse des génomes d’organismes anciens. Son objectif principal est de reconstituer les caractéristiques génétiques d’espèces disparues tout en éclairant les mouvements migratoires et les croisements entre populations humaines. Elle a vu le jour au début du millénaire, avec la première séquence de l’ADN mitochondrial de fossiles d’oiseaux, et n’a cessé d’évoluer depuis, proposant des analyses de plus en plus anciennes.
En termes simples, l’ADN, contenu dans chaque cellule vivante, compose le génome, qui hérite de nos ancêtres les plus reculés, datant probablement de plusieurs milliards d’années. Lors des divisions cellulaires, des erreurs peuvent apparaître dans la copie de l’ADN, provoquant des mutations. Chez l’humain, la moyenne est d’environ 70 mutations différentes entre un enfant et ses parents, ce qui permet de suivre les liens de filiation. Pour des restes archéologiques, l’étude se concentre souvent sur des matériaux osseux ou dentaires, voire sur des tissus conservés par momification, lesquels peuvent renfermer encore de l’ADN de l’époque.
Signer et analyser ces échantillons demande une expertise particulière, car l’ADN peut être contaminé par des microbes, ou dégradé au fil du temps. L’échantillonnage et le traitement doivent suivre des protocoles stricts pour extraire le maximum d’informations. La paléogénomique permet ainsi de faire dialoguer les vestiges du passé avec d’autres disciplines comme la bioarchéologie, enrichissant notre compréhension de l’histoire biologique de nos ancêtres.
En combinant plusieurs sciences, les chercheurs peuvent reconstituer plus concrètement l’histoire de la domestication et de l’évolution des différentes espèces animales, dont le lapin. Ce croisement d’approches est indispensable pour dévoiler les secrets enfouis dans les couches du temps.
Au cœur de l’histoire scientifique du lapin domestique
Dans ce cadre scientifique, l’histoire du lapin de garenne, ou Oryctolagus cuniculus, a été précisée en 2018, grâce à des recherches modernes.
Les premières traces écrites évoquant l’élevage de lapins remontent au Ier siècle avant notre ère. La tradition ancienne évoque leur consommation notamment chez les Romains antiques, qui appréciaient des plats à base de petits animaux comme le laurice. Au fil du Moyen Âge, cette pratique aurait perduré, avec notamment des moines qui consommaient du lapin lors du Carême. Toutefois, selon l’archéologue Cécile Callou, ces mentions restent probablement ponctuelles, et la principale motivation humaine pour s’intéresser à ces animaux a toujours été leur usage alimentaire.
Au Moyen Âge, les lapins sauvages pullulaient dans les réserves de chasse seigneuriales. Puis, au XIXe siècle, la croissance démographique a encouragé l’élevage intensif en zone rurale, accélérant la sélection génétique et la multiplication des races différentes. Les recherches génomiques ont permis de comparer des lapins domestiques avec leurs homologues sauvages, révélant des changements notables dans leur squelette apparaissant seulement au XVIIIe siècle, environ 2000 ans après le début de leur domestication. Ces transformations coïncident probablement avec leur adoption comme animaux de compagnie plutôt que simplement comme source de nourriture.
La question du moment précis où la domestication a commencé reste complexe. En effet, ce processus est progressif, impliquant des adaptations lentes et continues, rendant difficile l’identification d’un point précis en temps. Même si l’on sait que ces animaux ont été chassés durant la préhistoire et ensuite élevés pour devenir compagnons ou animaux de ferme à différentes périodes, aucune date exacte ne peut être fixée. La domestication du lapin est donc une évolution graduelle, sans étape définie, s’étendant sur plusieurs siècles.
Le lapin face au défi de l’invasion
Notre relation avec l’environnement a souvent été chaotique, en raison de notre incapacité à maîtriser totalement l’impact de nos actions. La science nous permet aujourd’hui de mieux comprendre qu’introduire des espèces dans des territoires qui ne leur étaient pas originellement destinés peut entraîner des déséquilibres graves. Toutefois, cette conscience est relativement récente.
Un épisode particulièrement problématique de cette dynamique concerne l’introduction du lapin en Australie. En 1859, un homme d’affaires britannique y introduit une douzaine de couples, pensant en faire une ressource pour la chasse. Le climat favorable, avec une végétation abondante, combiné à l’absence de prédateurs naturels, a rapidement permis à la population de s’accroître de manière exponentielle. Leur reproduction presque continue a conduit à une invasion massive. Aujourd’hui, on estime que près de 200 millions de lapins errent sur environ 6 millions de kilomètres carrés, causant des dommages considérables aux écosystèmes et à l’agriculture locale.
Malgré divers efforts pour enrayer cette invasion, comme l’installation de clôtures, la tentative de faire venir le prédateur naturel (le renard), ou l’introduction de virus spécifiques comme la myxomatose, la résistance développée par les lapins a limité l’efficacité de ces mesures. La lutte contre cette prolifération reste un défi majeur pour la gestion écologique en Australie, où la population de lapins continue de représenter une menace persistante, sans solution définitive à l’horizon.